De tout système démocratique peut-être. Certes, il était légitime de douter des vertus clarificatrices d’une telle démarche, apparemment irrationnelle, décidée dans une hâte suspecte, dans la foulée immédiate des élections européennes. Mais que s’agissait-il d’élucider ? Que fallait-il de toute urgence rendre plus clair, plus compréhensible ? Quelles ambiguïtés fallait-il lever sans attendre ? Quelle(s) vérité(s) fallait-il enfin dévoiler au grand jour ? Au risque de revisiter l’adage latin: que vérité soit faite, la démocratie dût-elle en périr ?
On pourrait se rassurer au vu des résultats: un sursaut républicain a freiné la déferlante du Rassemblement National. Soyons lucides: ne surestimons pas une défaite en trompe l’œil ! Ce parti d’extrême droite a considérablement renforcé sa présence et son influence à l’Assemblée nationale: 183 sièges (89 en 2022), un record historique ! Dans la perspective de 2027, il est à craindre que le mythe du plafond de verre ne vole définitivement en éclats. La victoire n’est que «différée» a déclaré Jordan Bardella. Autant dire: «Ce n’est qu’un sursis». Aussi, aux manifestations de soulagement de dimanche soir, j’opposerais volontiers cette phrase de l’écrivain Christophe Donner: «On ne sort jamais tout à fait indemne de ce à quoi on a échappé de peu».
Et quelles vérités furent révélées qu’on supposait ignorées à l’issue du premier tour, sinon une photographie électorale de la France, surprenante au premier abord, mais au fond assez prévisible pour les lecteurs de Christophe Guilly (1) qui parle d’«une nouvelle géographie sociale», ou de Jérôme Fourquet ? Sinon, au lendemain du second tour, qui bouscule cette géographie, l’existence de trois blocs connus, aucun d’eux n’ayant, loin de là, la majorité absolue. Le Rassemblement National en embuscade, les deux autres blocs souffrant de divisions internes, d’insurmontables divergences, profondément fragmentés, composés de factions essentiellement préoccupées par l’élection présidentielle. Sous couleur d’«une ère nouvelle» (dixit Gabriel Attal), nous entrons dans le brouillard d’une démocratie parlementaire renforcée. Le futur premier ministre, quel qu’il soit, dépendra plus de l’Assemblée que du Président de la République qui, malgré tout, jouit aujourd’hui d’un espace institutionnel inespéré. Mais à quel prix ?
Sauve qui peut
On ne mesure la vertu clarificatrice d’un acte, d’une parole, d’une décision qu’à l’aune de la vérité. Dans la vie comme en politique. Aucune clarification n’est possible sur les fondements du mensonge. En dépit des narratifs qui déjà se construisent, en dépit des apparences, le sursaut républicain n’est pas issu d’un élan spontané des consciences, d’une reprise en main collective pour le bien commun, d’une volonté de défendre les valeurs humanistes menacées, mais d’un sauve qui peut parfois déshonorant. À vrai dire, il n’est que le résultat d’une somme d’arrangements électoraux qui trop souvent tiennent plus de la tambouille de politiciens soucieux de leur propre survie que d’une prise de conscience de l’état de la France dont ils sont en partie responsables. Petits arrangements qui tous reposent sur le mensonge nourri des non-dits, des silences coupables, des incompatibilités […]