Jules Ferry a consacré toute son énergie à promouvoir l’éducation du peuple afin de réduire ou faire disparaître l’inégalité d’éducation. Qu’en est-il cent cinquante ans plus tard ? Son objectif est-il atteint ? Les dernières études montrent que la France reste dans le peloton de tête pour ce qui est des inégalités en la matière.
Des inégalités de transmission
Le niveau social demeure sans doute le facteur prédominant pour expliquer les inégalités dans la transmission. L’échec scolaire est souvent corrélé avec un niveau d’érudition moindre des parents, des champs sémantiques pauvres, mais aussi des conditions de travail et de suivi scolaire défavorables, une exposition exagérée aux écrans, un accès limité à des ressources de développement cognitif (sorties culturelles, cours privés, éducation musicale…). Des barrières de langue, dans certaines situations, peuvent complexifier encore les apprentissages.
Les enfants ressentent ces différences. Ceux qui ont le plus de difficultés se perçoivent rapidement comme moins intelligents et se sentent stigmatisés, en particulier lors de l’apprentissage de la lecture. Ils intègrent ainsi une image d’eux-mêmes négative et tombent fréquemment dans une forme de fatalisme social qui altère leur pouvoir d’agir. Le manque d’estime de soi et la démotivation, comme le démontre la sociologie, les enferment dans l’échec scolaire et le sentiment de n’être pas destinés à la réussite sociale.
La transmission des inégalités
Notre système éducatif porte aussi sa part de responsabilité. Chez nos voisins européens, dont la plupart ne la rendent pas obligatoire, la scolarisation des tout-petits (maternelle) privilégie le jeu et la socialisation. En France, en revanche, la somme des compétences visées en fin de grande section est vertigineuse et le premier bilan scolaire oriente déjà le devenir de l’enfant. On cherche, dès le plus jeune âge, à repérer « les meilleurs éléments » qui pourront un jour intégrer le Graal des classes prépa. L’école est foncièrement élitiste et fonctionne sur la base du marché et de la méritocratie, mettant les enfants en compétition très tôt. Il n’est d’ailleurs sans doute pas anodin de relever cette omniprésence du terme « compétence » dans les programmes scolaires. Il possède la même racine latine que « compétition ».
Face à cette compétition, la lutte n’est pas égale. L’appartenance sociale conditionne la scolarisation dans des zones dites « difficiles », marquées par un très fort taux d’absentéisme des profs en raison de contextes souvent pénibles d’exercice, ou dans des « bonnes » écoles. Elle aura, de toute évidence, un impact énorme sur le devenir de l’enfant.
Avec une école publique qui connaît un déclin massif ces dernières années, les inégalités ne cessent de croître. Les écoles confessionnelles remportent aujourd’hui un succès inédit. Plus que jamais, l’Église a un rôle à jouer ! Que ce soit par le biais d’écoles chrétiennes ou non, elle doit soutenir l’éducation des enfants, offrir une aide à la parentalité et, de façon générale, favoriser l’inclusion afin de rompre la fatalité d’un schéma irrévocable de la reproduction des inégalités.