Chaque année, environ cinq cents enfants naissent en France d’un accouchement anonyme. Ce nombre ne cesse de décroître en raison de la diminution du chiffre global des naissances et de l’allongement de la durée de recours possible à l’IVG. Comment grandir et s’épanouir sans connaître ses origines ?

Une législation spécifique à la France vise à éviter les accouchements clandestins, l’abandon d’enfant sans suivi médical, social et juridique, et l’infanticide. Du XVIe au XXe siècle, les bébés pouvaient être abandonnés par leur mère dans des lieux qui garantissaient leur anonymat. La volonté de protection des femmes enceintes en France a pris différentes formes jusqu’à aujourd’hui. Le Code civil de 1993 stipule que « lors de l’accouchement, la mère peut demander que le secret de son admission et de son identité soit préservé » (Article 236 du Code civil). Elle peut ainsi bénéficier du suivi des services sociaux et médicaux jusqu’à l’accouchement. Après la naissance, le bébé est confié à une nourrice avant d’être proposé à une famille adoptive.

Les enfants entendus

Les enfants adoptés, jusqu’à récemment, ne pouvaient espérer retrouver leur mère biologique, connaître leur histoire ou comprendre les raisons de leur abandon. Nombreux sont ceux qui ont fait part de leur souffrance et exprimé au législateur leur souhait de connaître leurs racines, voire de contacter leur mère biologique. En 1996, la loi du docteur Mattei a demandé aux organismes d’accompagnement de recueillir des éléments non identifiants susceptibles d’être transmis à l’enfant. Cette mesure restait insuffisante. En 2002, la ministre chargée de la famille, Ségolène Royal, a complété le dispositif en créant le Conseil national d’accès aux origines personnelles. Le CNAOP conserve désormais les éléments identifiants de la mère. L’enfant, souvent après sa majorité, peut obtenir des renseignements sur son histoire et contacter sa mère biologique si elle accepte la levée du secret.

Une quête légitime

La fondation La Cause, dont j’étais directeur général de 1993 à 2022, disposait d’un service d’adoptions internationales et nationales agréé. Près de deux mille enfants ont ainsi été adoptés dans des familles françaises, dont un nombre important nés d’un accouchement anonyme. Dès 1923, Élisabeth Durrleman, qui a créé le département adoption, avait pris l’habitude de noter dans chaque dossier le maximum d’informations à propos des parents biologiques et des circonstances de l’arrivée de l’enfant. À La Cause, l’enfant confié et les parents adoptifs pouvaient avoir accès, bien avant la loi Mattei, aux informations non identifiantes.

À partir de 1993, la mère biologique pouvait déposer dans le dossier une lettre destinée à son enfant pour expliquer son geste. À sa majorité et s’il le souhaitait, elle lui était remise et il pouvait à son tour laisser dans le dossier un courrier à l’adresse de sa mère biologique.

Le besoin de transmission est compréhensible, la recherche de filiation légitime. Elle ne remet pas en question l’affection tissée entre l’enfant et ses parents adoptifs ni le lien qui les unit. L’histoire de l’enfant s’inscrit dans une vision plus étendue de la dimension familiale.

Quand l’enfant adopté décide de connaître ses origines, il entreprend une recherche d’appropriation d’une donnée personnelle afin de se construire. La démarche est parfois douloureuse et nécessite d’être accompagnée. Le CNAOP ou les Organismes autorisés pour l’adoption disposent de personnel compétent dans le domaine juridique et l’accompagnement psychologique.