Tous les événements plus ou moins dramatiques de ces dernières années, de la mort de Coluche aux attentats de Charlie Hebdo trouvent, grâce à elles, une explication. Ces théories trouvent même aujourd’hui un certain écho dans l’Église.
Umberto Éco, décédé il y a peu, disait que la théorie du complot est une maladie sociale universelle, difficile à combattre. De fait, elle puise loin ses racines. Au tout début du christianisme, les chrétiens ont désigné les Juifs comme les conspirateurs ourdis par le diable lui-même pour s’attaquer aux fidèles du Christ. Ce mythe d’un « complot juif mondial » a d’ailleurs la vie dure et a fait l’objet de nombreuses modifications au cours du temps : complot judéo-maçonnique, judéo-communiste, judéo-capitaliste, judéo-médiatique… Au XVIIIème siècle, Les Lumières vont valoriser la théorie du complot. Leur soif d’émancipation les conduit à dénoncer les obscurantistes religieux qui conspirent pour maintenir le monde dans les ténèbres. Les Illuminati, confrérie estudiantine secrète menée par le jésuite Adam Weishaupt, s’inscrivent dans cette envie de libération et de progrès. La croyance en l’existence de cette loge secrète surpuissante est encore forte aujourd’hui. Les films de Dan Brown le confirment.
Pourquoi ?
L’histoire montre que c’est dans les périodes calmes et prospères que les théories du complot ont le plus de mal à se répandre. Et c’est logique. Quand l’angoisse est profonde et généralisée au sein de la population, comme c’est le cas actuellement (terrorisme, chômage, crise environnementale…), les gens cherchent à être rassurés. Les explications complotistes répondent à ces angoisses en donnant un ordre, un plan. Le monde devient compréhensible, voire prévisible. Et puis, il ne faut pas se le cacher, les théories du complot sont autant d’alibis pour éviter de se remettre en question et pour se dédouaner de toute responsabilité dans les événements qui arrivent.
Compatible avec l’Évangile ?
Depuis peu, de bruits de couloir en vœu synodal, certains propos laissent penser à l’existence d’un complot ecclésial. Le refus de certains candidats par la CDM, par exemple, relèverait d’un « délit d’opinion » et l’insuffisante représentation d’un courant théologique au sein de la délégation au synode national serait la preuve même de ce « complot ». Une telle pensée est le signe manifeste d’une certaine angoisse. Elle est sans doute plus profonde que ce qu’on pense habituellement. Mais est-ce une raison suffisante pour s’engouffrer dans cette brèche ? Probablement pas. D’autant que l’Évangile est, par essence, contraire à de telles théories. Elles veulent, d’une certaine manière, avoir la mainmise sur les événements du monde ? Le Christ est venu nous rappeler que l’homme n’était pas le tout-puissant qu’il prétend être. Il nous invite à l’abandon et à la confiance en Dieu et au Christ. Ces théories du complot veulent, en outre, donner du sens aux événements qui nous arrivent ? L’Évangile nous dit que le seul sens de notre vie se trouve dans le message d’amour que Dieu est venu incarner en Christ. Le sens se trouve dans le courage d’accepter d’être aimé pour rien et dans le courage d’aimer l’autre pour rien, sans conditions. La folie de la croix sera toujours plus sage que les plus fumeuses élucubrations de l’être humain pour donner du sens à sa vie. Ces théories du complot veulent, enfin, désigner un ennemi, un adversaire ? Le Christ est venu détruire le mur de la haine (Éphésiens 2,14) et réconcilier l’humanité divisée. Il invite chacun à vivre de la confiance et dans la confiance mutuelle. Celle-ci est certes exigeante, constituée d’interpellations et de débats, mais elle a choisi de faire une croix sur le soupçon, les rumeurs et les ragots.