En 2022, Annelise Bergmann-Zürcher, infirmière au Centre fédéral pour requérants d’asile (CFA) de Vallorbe, est mise à l’arrêt par son médecin : elle vit un profond burn-out. La professionnelle traverse ce moment douloureux et rédige un texte court et dense, qui revient sur ses onze ans de métier dans le domaine très spécifique des CFA. Conditions difficiles, urgence permanente, petits miracles et grand dénuement. On y sent, au fil des ans, s’aggraver l’état de santé des personnes qui arrivent aussi bien que le mal-être des soignant·es. Pour autant, le texte reste toujours du côté du témoignage. Et si l’autrice prend position, c’est avant tout pour une meilleure écoute des professionnel·les.

Votre récit parle de votre santé mentale, mais mentionne des symptômes très physiques… 

Ecouter des traumas, c’est être traumatisé aussi, c’est ce que j’ai vécu. Cela s’appelle la traumatisation secondaire : dépression, migraines, phénomènes inflammatoires, vomissements… Je ne voulais pas le voir. Quand on soigne dans des conditions précaires, on se sent utile, on est dans un héroïsme du quotidien, qui fait illusion. Les médecins m’ont gentiment, mais sûrement, aidée à enfin l’accepter.

Comment avez-vous tenu au quotidien?

Dans ma formation, on nous conseillait des rituels de protection: nous doucher le soir, en revenant du travail, déposer les clés près de la porte d’entrée… On savait qu’il ne fallait pas ramener le boulot à la maison. Mais à un moment donné, ce n’est plus jouable. On est profondément imprégné•es, notre barrière psychique est comme érodée. Ma défense, c’était le professionnalisme. D’autres choisissent de se blinder, de perdre […]