Le verdict est tombé. Le Conseil constitutionnel a rendu, jeudi 7 août dans l’après-midi, sa décision concernant la loi Duplomb visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur. Dans leur délibération, les Sages estiment que « la procédure d’adoption n’a pas méconnu la Constitution ». Ils censurent toutefois certains passages de la loi, notamment la réintroduction de l’acétamipride, un produit phytosanitaire, néonicotinoïde, considéré par certaines études comme un danger pour l’environnement et la santé humaine. L’Institut a également émis des « réserves d’interprétation » concernant les dispositions relatives aux mégabassines.

Pour rappel, le texte avait été adopté à l’Assemblée nationale le 8 juillet dernier, suscitant une vague de contestation de la part de citoyens – par une pétition ayant réuni plus de 2 000 000 de signatures – et de parlementaires. Ces derniers avaient saisi le Conseil constitutionnel au motif notamment d’une « irrégularité de la procédure », dénonçant la stratégie des détracteurs de la loi à l’Assemblée qui avaient procédé à l’élimination de l’ensemble des amendements déposés par l’opposition grâce à une motion de rejet.

L’acétamipride : un point de tension du texte

Les Sages de la rue de Montpensier ont ainsi supprimé l’article 2 de la loi Duplomb permettant de « déroger par décret à l’interdiction d’utiliser des produits phytopharmaceutiques contenant des néonicotinoïdes ou autres substances assimilées, ainsi que des semences traitées avec ces produits ». L’instance a en effet fait appel à la Charte de l’environnement qui, « adossée à la Constitution, a valeur constitutionnelle », précise le communiqué de presse publié par le Conseil constitutionnel.

L’Institution a ainsi rappelé qu’en vertu de cette Charte, le législateur doit « veiller à ce que les choix destinés à répondre aux besoins du présent ne compromettent pas la capacité des générations futures et des autres peuples à satisfaire leurs propres besoins, en préservant leur liberté de choix à cet égard ».

À cet égard, le Conseil constitutionnel juge, comme il l’avait déjà fait lors d’une précédente décision rendue en décembre 2020, que « les produits phytopharmaceutiques contenant des néonicotinoïdes ont des incidences sur la biodiversité, en particulier pour les insectes pollinisateurs et les oiseaux ainsi que des conséquences sur la qualité de l’eau et des sols et induisent des risques pour la santé humaine ».

Les Sages invoquent également un encadrement insuffisant de la réintroduction de ce néonicotinoïde, puisque le texte, conformément à ce que voudrait en principe une dérogation rendue en principe possible par la loi, n’en respecte pas les conditions. En effet, le texte propose de réautoriser l’usage de l’acétamipride sans limiter les filières agricoles « à celles pour lesquelles le législateur aurait identifié une menace particulière dont la gravité compromettrait la production » ou sans être « accordée à titre transitoire pour une période déterminée ».

Réactions en chaîne

Face à la décision des Sages, les réactions ne se sont pas fait attendre. Ainsi, la ministre de l’Agriculture, Annie Genevard, a dénoncé sur X un verdict qui « conserve les conditions d’une concurrence inéquitable faisant courir un risque de disparition de certaines filières ». La ministre s’est également dite « engagée pour défendre toutes nos filières » et a déclaré ne pas « les laisser sans solution ».

De leur côté, les syndicats agricoles de la FNSEA et de la Coordination Rurale ont vivement critiqué la décision rendue par le Conseil constitutionnel. « C’est inacceptable que le Conseil constitutionnel continue à permettre des surtranspositions » du droit européen, fustige Jérôme Despey, vice-président du syndicat, selon les propos relayés par Le Monde. La Confédération paysanne s’est quant à elle réjouie de cette « victoire d’étape ».

Un sentiment partagé par les élus de la gauche et des Écologistes. Le secrétaire du Parti socialiste, Olivier Faure, a décrit la décision de la rue de Montpensier comme « un soulagement », saluant une « victoire pour l’écologie […] pour la santé […] pour la démocratie ».

Le président de la République a indiqué, selon l’Élysée, avoir « pris bonne note de la décision du Conseil constitutionnel ». Emmanuel Macron « promulguera » la loi « tel [qu’il] résulte de cette décision dans les meilleurs délais », rapporte Le Monde.