Gilles Vanderpooten, comment est né Reporters d’Espoirs ?
Laurent de Cherisey en est le principal inspirateur. Tout a commencé un soir de Noël : Laurent a constaté que, même ce jour-là, les infos étaient anxiogènes. Il s’est dit qu’il devait être possible de délivrer d’autres messages. Plus tard, il est parti faire un tour du monde de dix-huit mois avec son épouse journaliste et leurs cinq enfants. Partout, ils ont rencontré des « passeurs d’espoir », hommes et femmes de bonne volonté qui ont confiance en eux, agissent malgré les difficultés et trouvent des solutions. Laurent en a déduit que s’il était possible d’agir dans des pays ayant peu de moyens, il y avait certainement quelque chose à faire aussi dans le monde occidental. Le journalisme de solutions était né.
Quels sont les principes du journalisme de solutions ?
Le journalisme de solutions promeut l’idée d’une information qui ne soit pas seulement le reflet du monde qui tombe… En école de journalisme, on apprend souvent à considérer comme intéressante une actualité qui fait du bruit à un instant T. L’idée est fortement ancrée que la catastrophe fait vendre et que les plus beaux scores d’audience se réalisent lors de drames. Or, ce n’est plus tout à fait vrai : l’information qui maintient la population dans la peur et l’insécurité peut susciter un effet de sidération, un sentiment d’impuissance et une hébétude désespérée.
Les gens ont un seuil de tolérance au négatif : lorsqu’il est atteint, certains décrochent et passent au divertissement. Pour fidéliser le public, il faut lui offrir des contenus moins anxiogènes qui permettent de s’engager. Cela suppose, en matière de stratégie, de couvrir moins d’événements et plus d’initiatives qui s’inscrivent dans la durée.
Nous invitons les journalistes à faire leur travail, lorsqu’ils se questionnent sur des problèmes de société, en n’oubliant pas de relater des réponses ou remèdes qui ont été trouvés pour panser des plaies et de mettre en avant des initiatives de terrain, que ce soit un maraîchage pour la réinsertion de personnes en difficulté ou des idées innovantes face à la crise climatique…
Êtes-vous entendus ? Les mentalités évoluent-elles ?
La démarche que l’on défend suscite de plus en plus d’intérêt, les choses bougent. Notre méthodologie commence à convaincre. Des journalistes eux-mêmes souhaitent traiter de sujets nouveaux. Beaucoup ne cautionnent plus l’infobésité. Ils remettent en cause un certain conditionnement médiatique et l’impact délétère sur les gens et la société.
Certains grands médias évoluent, même s’ils s’en défendent. Nous faisons un travail de fourmi pour diffuser cette démarche, nous essayons de créer une émulation dans le milieu journalistique en organisant des rencontres sur tout le territoire. Nous avons créé le prix Reporters d’Espoirs, le prix européen du Jeune Reporter, le prix de l’Info locale à Nantes ou encore le prix de la Créativité dans le Sud-Ouest… Une fois par an, la « France des solutions » réunit à notre initiative cinquante médias pendant vingt-quatre heures. Nous partageons des bonnes pratiques, donnons des conseils et recommandations mais sans jouer les moralisateurs. On travaille avec tout le monde, de Libération au Figaro. Nous aimerions convertir les médias traditionnels.
Nous avons aussi un laboratoire d’études qui travaille sur la façon dont les médias abordent des questions de société – comme le climat ou l’économie. Enfin, nous lançons un magazine papier, Reporters d’Espoirs, semestriel, qui sera disponible en librairie cet automne.