Nadine Morano 01a refusé de s’excuser après avoir dit : « la France est un pays aux origines judéo-chrétiennes. La France est un pays de race blanche dans lequel on accueille aussi des personnes étrangères, comme le disait le général de Gaulle ». Une manière particulière de faire fonctionner la mémoire et en tout cas à l’opposé de la tradition chrétienne.
Nadine Morano a tenu tout début octobre des propos qui ont scandalisé nombre de Français, qu’ils soient ou non d’origine étrangère ou issus des Territoires et des Départements d’Outre-Mer (TOM, DOM). Ces phrases lui ont valu une pluie de critiques, plus ou moins acides, de la part des partis de l’opposition mais aussi de la part de son propre camp, le parti Les Républicains. Pour sa défense, elle s’est drapée dans les oripeaux du Général, soutenant que ses dires avaient été tenus par le premier Président de la cinquième République, en 1959 : « C’est très bien qu’il y ait des Français jaunes, des Français noirs, des Français bruns. Ils montrent que la France est ouverte à toutes les races et qu’elle a une vocation universelle. Mais à condition qu’ils restent une petite minorité. Sinon, la France ne serait plus la France. Nous sommes quand même avant tout un peuple européen de race blanche, de culture grecque et latine et de religion chrétienne. » Soit. Mais une telle référence interroge notre rapport à la mémoire.
Répétiteur servile ou fidèle partisan ?
C’est le dilemme auquel sont confrontés tous ceux qui se reconnaissent en dette vis-à-vis de la pensée d’un homme ou d’une tradition. Nous le connaissons également, nous qui nous réclamons de Martin Luther ou de Jean Calvin. Que faisons-nous, par exemple, des propos du Réformateur de Wittenberg (ou du Strasbourgeois Martin Bucer), très durs, sur les Juifs ? Serons-nous à jamais, pour le moins, anti-juif, pour le pire, antisémites ? Bien sûr que non ! Nous savons replacer un homme, une pensée dans le contexte qui les ont vus naître. Nous pouvons choisir la fidélité dans la contradiction et non dans la répétition. Paradoxalement, comme Luther parlait d’une servante liberté, nous pouvons faire valoir notre infidèle fidélité. Jésus, d’ailleurs, en usa. Lorsque, dans le Sermon sur la Montagne, le Maître de Nazareth rappelle la tradition des Pharisiens et des Sadducéens pour en prendre ses distances, il le fait au nom même de la fidélité à celle-ci et au projet divin qui la sous-tendait. Il le fait pour la dégager du carcan mortifère dans lequel l’avaient enfermée ces fidèles répétiteurs.
« Faites mémoire de moi »
Lors du dernier repas, Jésus demande à ses disciples de faire cela « en mémoire » de lui. Cet acte de mémoire dans la Cène, célébrée tous les dimanches ou plus irrégulièrement, n’a rien de sclérosant. Bien au contraire. Non seulement parce qu’elle tourne le croyant vers l’avenir mais surtout parce que, dans ce repas, le Christ s’offre à lui pour lui donner la joie de participer à la vie nouvelle. Or, celle-ci n’est pas répétition. Elle n’est pas un : « va et fais comme moi ». À l’image du Samaritain de la parabole (Luc 10), le croyant est appelé à faire « de même » (v. 37). La différence est grande. Alors que dans le premier cas, Jésus inviterait à la reproduction rigide de ses gestes, comportements et attitudes, dans le deuxième cas, il appelle et suscite notre imagination « analogique », créatrice : celle qui invente des chemins de vie semblables aux siens. Et, si nous pouvons faire montre d’une mémoire analogique – et nous le pouvons –, c’est par la présence de l’Esprit en nous. Souvenons-nous en !