Depuis que les questions migratoires sont passées sous la coupe exclusive du ministère de l’Intérieur, chaque nouveau ministre produit une nouvelle loi plus restrictive, plus dissuasive, plus répressive que les précédentes. Cette nième loi reflète et consacre à la fois une vision myope et bornée des causes des mouvements migratoires actuels où se mêlent des violences et des injustices d’origine politiques, économiques, sociales ou climatiques, et aussi une perception de l’immigration comme une menace, qui nous rappelle le temps où l’on stigmatisait les « indésirables étrangers ». Au cœur de cette politique, apparaît clairement la volonté de trier les personnes qui « méritent » d’être accueillies et de décourager ou de rejeter toutes les autres décrétées « non accueillables », au mépris de la réalité des destins humains qui se jouent dans les exodes actuels. En résumé, accueillir moins et renvoyer plus au prix d’une dégradation considérable de la situation d’un très grand nombre de personnes migrantes. Concrètement cela se traduit par deux orientations majeures : réduire l’accès aux droits et augmenter les capacités de renvoi.

Augmenter les dispositifs

Réduire l’accès au territoire d’abord, avec les politiques d’endiguement des personnes migrantes loin des frontières européennes, par le biais d’accords avec des pays tiers inspirés du sinistre accord UE-Turquie. Réduire ensuite l’accès effectif au droit d’asile pour les exilés les plus isolés au prétexte d’accélérer les procédures, réduire l’accès aux droits des malades, des enfants et conjoints de français, etc. avec la multiplication d’obstacles inspirés avant tout par le soupçon.

Augmenter les dispositifs pour contrôler, trier, enfermer et expulser davantage : repérage dans les centres d’hébergement d’urgence des personnes qui auraient « vocation à quitter le territoire », recours accru à la privation de liberté par l’assignation à résidence et l’enfermement dans les centres de rétention administrative où la durée de détention pourrait être doublée voire triplée, multiplication des mesures de bannissement avec des obligations de quitter le territoire assorties d’interdiction de retour de 3 ans. Particulièrement visés, les exilés qui ont laissé leurs empreintes dans un autre pays européen qui ne peut ou ne veut leur accorder la protection. L’acharnement irréaliste du gouvernement à vouloir les renvoyer aggrave les situations d’errance, de précarité et de désespoir que l’on constate déjà : un jeune exilé soudanais est mort sur le trottoir à Paris le 10 mars, d’épuisement et de désespérance d’avoir été trop longtemps balloté, maltraité, humilié.

Mais à quel prix ?

En agissant de la sorte, le gouvernement espère peut-être satisfaire une partie de l’opinion publique. Mais à quel prix ? Celui d’un déni de vérité sur la réalité des parcours migratoires de plus en plus complexes et sur les chiffres de cette prétendue « invasion ». Celui d’un déni d’humanité, car l’expulsion et l’enfermement ne sont pas les seules options ! Face à une politique ni humaine ni efficace, il nous faut opposer des arguments fondés sur le respect des droits humains fondamentaux et sur des valeurs d’hospitalité.

Il nous faut poursuivre des actions solidaires sur le terrain aux côtés des personnes étrangères. Il nous faut promouvoir une large concertation nationale sur les enjeux migratoires , comme le tente actuellement la démarche des États Généraux de la Migration. Au final, l’enjeu fondamental, c’est le choix de la société dans laquelle nous voulons vivre.