«Les religions en haute couture? On n’en est parti sorti!» s’amuse le journaliste de mode documentariste parisien Loïc Prigent. Ex-chouchou de Karl Lagerfeld – qui lui a accordé nombre d’entretiens filmés que prisent tous les «modeux» qui se respectent – il en aurait d’ailleurs presque marre, de ces références au sacré dans la mode. «Il y a tellement de choses à piocher partout, d’influences à s’approprier», s’insurge-t-il doucement avant d’assurer que la tentation religieuse a de tout temps traversé la haute couture. «Les grands directeurs artistiques de maisons de couture ont toujours flirté avec l’irrationnel et le surnaturel, avec l’idée de transcender le vêtement.» Et d’ajouter que «ces génies», au moment d’être touchés par l’inspiration, «se disent bien souvent connectés à quelque chose qui les dépasse, et qui leur dictent des images».
«En janvier dernier, la collection Fendi, imaginée par Kim Jones, utilisait encore le décorum catholique romain, avec des reproductions de dentelles très clairement inspirées des robes de clergé du Vatican, en jaccard», se souvient-il. «Le plus intéressant, c’était les chaussures. Vingt centimètres de talons au moins!», comme pour rapprocher du ciel des mannequins à qui Kim Jones aurait demandé de se sentir tels des «créatures célestes». Rien que ça.
Cela ferait donc bien longtemps que les habits liturgiques entêtent les designers de mode. Pour Dominique Vidoz, qui enseigne le stylisme et le modélisme à l’École Dubois de Lausanne, Coco Chanel, qui lance sa petite robe noire en 1926, était elle aussi un peu habitée: «Orpheline à 12 ans, Gabrielle Chanel a grandi dans un couvent et a appris à coudre avec les sœurs, dont les robes […]