Intervenant lors de la 6e Convention du Forum à Nîmes dont il a été l’un des organisateurs, Olivier Abel revient sur les multiples fractures dont souffre notre société.

« Nous fracturons »

Je voulais récapituler un certain nombre de remarques assez disparates. Ça ne construit pas tellement un discours, ce sont des touches, des choses que j’ai repérées : la croissance simultanée du meilleur et du pire, le bon grain et l’ivraie qui poussent ensemble … On a du mal à les séparer mais c’est vrai qu’on éprouve du découragement ou qu’on éprouve de l’espérance, il y a bien les deux en même temps. L’effroi nous vient d’abord d’un sentiment de fracture qui, de proche en proche, défait le lien social, les sociétés. Hamit Bozarslan me disait il y a 6-7 ans : « Ce ne sont pas les États qui se défont, ce sont les sociétés ». Il décrivait ce qui était en train de s’opérer dans tout le Proche-Orient et qui se poursuit. Il y a aussi la fracture qui sépare de plus en plus le Nord du Sud qui est aussi une fracture qui sépare nos vieilles sociétés du statu-quo des sociétés émergentes. Ces sociétés émergentes sont puissantes, extrêmement puissantes, extrêmement dangereuses parce qu’elles ne rencontrent pas pour le moment de limites à leur puissance. On essaye de les casser mais on n’y arrive pas : ni économiquement, ni autrement … On n’y arrivera pas, ce n’est pas si facile … On a beaucoup méprisé la Turquie et ce qui arrive actuellement, c’est que la société turque a été réarmée par notre mépris. Erdogan est une réponse à notre mépris, il faut qu’on le sente. Il y a aussi la fracture entre l’humanité et la planète. Une humanité qui grandit démographiquement, une planète qui a ses limites, ses ressources qui se réduisent à tout point de vue, sa biodiversité, ses équilibres … Nous fracturons, nous continuons à fracturer […]