Si l’on prend les problèmes en amont, il nous revient de discerner, dans nos modes de vie, tout ce qui est porteur de guerre et ce qui, à l’inverse, peut être vecteur de paix.
Les nouvelles qui nous parviennent d’Irak, de Syrie, d’Algérie maintenant, ne peuvent que susciter en nous effroi, écœurement, sidération. L’émotion l’emporte, et nous empêche de penser ce qui se joue. Mais peut-on encore penser une guerre qui semble bien avoir déserté le champ de la rationalité instrumentale ? Les guerres asymétriques du XXIe siècle échappent en effet totalement aux règles traditionnelles de l’art militaire : nous n’avons plus affaire à deux ennemis clairement identifiés sur un champ de bataille nettement circonscrit, dans un temps limité, mais à un conflit fugace, insaisissable, permanent, qui surgit en tout lieu (y compris au cœur du sanctuaire de l’ennemi), qui a recours aux pires méthodes étrangères au jus in bello, et qui est au moins autant idéologique et psychologique que militaire. Car la dissymétrie fondamentale de la guerre contre le terrorisme tient à la valeur différentielle attribuée à la vie d’un homme de part et d’autre : aspiration au sacrifice d’un côté, guerre « zéro mort » de l’autre. C’est donc d’abord une guerre de l’opinion.
Dans la situation actuelle, il semble bien qu’il n’y ait que de mauvaises solutions : soit payer la rançon pour ses otages (ce que la France a fait sans le dire jusqu’ici, mais qu’elle n’est même plus vraiment en mesure de faire), soit réprimer sans pitié. Dans un cas comme dans l’autre, c’est le terrorisme qui en bénéficie, financièrement ou par l’excitation de la logique vindicative. On sent bien que la guerre contre le terrorisme ne peut être victorieuse, car par sa nature même elle nourrit ce qu’elle combat. Plus grave encore sans doute, par mimétisme, les démocraties risquent fort de trahir leurs principes fondateurs en se laissant contaminer par le cynisme de leurs adversaires. […]