On ne naît pas pair-aidant, on le devient
Le chemin vers la pair-aidance ne va pas de soi. Il emprunte des bifurcations, se heurte à des doutes, des échecs. Il se confronte précisément au réel. Il se réalise dans des cadres sociétaux et amicaux, et dans ceux, institutionnels, de politiques sociales issues de la solidarité. L’expérience de la pair-aidance emprunte à des cadres intégrateurs : on ne naît pas pair-aidant, on le devient1 . Des exemples célèbres jalonnent la construction sociale (et même spirituelle, en certains cas) de la pair-aidance : les Alcooliques anonymes, pionniers dans ce domaine, représentent un modèle.
Mettre son expérience au service des autres
À quelles conditions et par quelles médiations peut-on mettre son expérience au service des autres ? Tout d’abord, si l’on se réfère à son origine psychiatrique, le concept de pair-aidance relève de la santé mentale. Ensuite, le débat est vif quant à la place du soin ou du rétablissement dans un parcours de pair-aidance. Jusqu’où un pair-aidant peut-il intervenir dans une relation d’aide et de soutien auprès d’une personne qui connaît des problèmes ou handicaps similaires aux siens ? Les phénomènes de projection ou d’identification, voire de collusion avec l’autre, peuvent entraîner un manque de distance ; ils risquent – s’ils ne sont pas identifiés et réfléchis par le pair-aidant – de représenter un obstacle à la rencontre.
Devenir pair-aidant, c’est aussi conquérir une identité sociale, une posture, un savoir-faire, dire et être, une place, un rôle et un statut institutionnel, qui ne peuvent se résumer aux similitudes de vie partagées avec un autre.
Expérience de vie et savoir expérientiel : les pierres angulaires de la pair-aidance
Édifier sa vie en tant que pair-aidant, l’éprouver, c’est trouver les ressources en « soi » à l’aide et avec d’autres, dans des cadres institutionnels et/ou de sociabilités, pour partager et mettre à profit son savoir expérientiel. Pour autant, il ne s’agit pas d’une révélation, mais bien d’une construction identitaire et sociale. Le savoir expérientiel occupe une place essentielle dans ce parcours. Il est pluridimensionnel ; il convoque les parcours individuels, sociologiques, institutionnels et les expériences du travail, de la famille, de la vie. Le savoir expérientiel est lié à l’exploration de la souffrance.
Les travailleurs-pairs ont connu une trajectoire institutionnelle qui les positionne dans une identité d’« usager des services ». Leur vie recouvre une multitude d’expériences : perte d’emploi, pauvreté, logement précaire. Ils connaissent les ressources et les services locaux. Parce que le pair-aidant rejoint l’autre dans son « essentiel », qui fut sien, son expertise est précieuse dans le processus de rétablissement propre au secteur sanitaire, social et médico-social.
Par Alain Bonnami, responsable Masters MOSS et M2SEPA, IRTS Montrouge-Neuilly-sur-Marne
1 Bonnami, A., Le Pair-Aidant : un nouvel acteur du travail social ? Nouveaux enjeux, nouvelle approche du soutien et de l’accompagnement, ESF, Paris, 2019.