Il nous arrive toutes et tous de parler à notre grille-pain ou notre GPS. Nous l’engueulons quand la tartine est coincée ou quand le trajet indiqué semble farfelu. Mais… il ne nous répond pas ! Mais voilà que ce fantasme ancien est à présent réalité. Les «chatbots » font leur entrée dans notre vie quotidienne, et ils vont se multiplier. «Chatbot», c’est la contraction de «cha » (discuter) et de «robot» (un «bot» à l’origine est un petit logiciel chargé d’effectuer automatiquement des tâches bien spécifiques). Ce sont donc des robots qui parlotent. Un des plus connus est Siri, l’assistant virtuel des iPhones. Ces chat
bots, qui se font passer pour nos amis, sont très utiles aux entreprises : grâce à eux, elles pourront bientôt remplacer tous les services clients par des robots. Nous entrons dans l’ère du commerce conversationnel automatisé, dans l’ère de l’émotion propre et contrôlée.

Quelles conséquences ?

Mais quelles sont les conséquences sur l’emploi ? Un robot est plus fiable qu’un employé. Il ne tombe pas malade et n’oblige pas l’employeur à lui trouver un remplaçant qui n’est pas identique et qu’il faut former. S’il tombe en panne, il peut être remplacé immédiatement par son clone. Y aura-t-il des effets sur le langage ? On ne parle pas vraiment à un robot comme à un être humain. Quel vocabulaire possède-t-il ? Technique, scientifique, commercial, mais qu’en est-il des émotions, de la compassion quand il s’agit de chercher à dénouer une situation complexe ? Comment les chatbots vont-ils utiliser nos confidences et nos données personnelles ? Que vont faire les fabricants de ces robots de tels renseignements ? Et plus tard, qu’en feront les robots eux-mêmes ? Et que se passera-t-il le jour où on discutera davantage avec un chatbot qu’avec nos semblables ?

Quel monde ? Quelle humanité ?

Est-ce un rêve ou un cauchemar ? Un rêve pour celles et ceux qui imaginent que parler à leurs machines peut les soulager et pour celles et ceux qui voient là un marché immense. Un cauchemar pour celles et ceux qui pensent aux millions de chômeurs que cela va engendrer et pour celles et ceux qui se disent que c’est là une voie de plus vers la déshumanisation de nos sociétés. Je ne peux m’empêcher de penser à deux passages bibliques (certes classiques et utilisés pour d’autres questions), ayant ici toute leur pertinence : Dieu s’adressant à Caïn pour lui demander : « qu’as-tu fait de ton frère ? ». Certes, il ne s’agit pas ici de meurtre, mais comment qualifier l’attitude de celles et ceux qui cherchent, pour leur profit, à remplacer progressivement les humains par des machines, renvoyant ainsi ces humains à la mort ?

Que penser de ce comportement qui amène à régler ses difficultés en dialoguant avec des robots plutôt qu’avec ses semblables ? Que penser d’une attitude qui se soucie moins de ses congénères que du fonctionnement de quelques logiciels ? Il faut réentendre ici la deuxième parole de Dieu à Moïse : « tu ne te feras pas de statue … tu ne te prosterneras pas devant ces choses et tu ne les serviras pas… » Car la tentation est bien de donner à ces robots tant de place et tant d’importance qu’on en devient esclave. Alors, même si certains de ces chatbots peuvent avoir des applications bénéfiques (comme aider des malvoyants), ces questions restent posées d’autant que la progression commerciale de nos sociétés est malheureusement toujours plus rapide que les réflexions éthique et théologique.