L’objectif ? Mieux comprendre les perceptions des Français quant à l’immigration et identifier des leviers d’action pour une diversité d’acteurs souhaitant (re)construire un dialogue plus apaisé sur ce
sujet.
Nous ne sommes pas spécialistes des questions migratoires à proprement parler. Notre travail porte sur les dynamiques de polarisation qui fragmentent la société française. À travers une analyse approfondie de l’opinion, notre objectif est de favoriser la cohésion sociale et renforcer la démocratie. Cette approche nous a conduits à travailler, depuis la création de l’association en 2017, sur le rapport à l’immigration.
Six familles de valeurs
Notre méthodologie, issue de la psychologie sociale, distingue six familles aux visions du monde et systèmes de valeurs cohérents : Militants désabusés, Identitaires, Stabilisateurs, Libéraux optimistes, Attentistes et Laissés-pour-compte. Le programme « Parlons migrations » s’appuie sur cette typologie pour analyser les perceptions de l’immigration, grâce à un travail de recherche approfondi (sondages, entretiens individuels, groupes de discussion…).
Polarisation et ambivalence
Notre recherche révèle que 80 % des Français considèrent qu’il est difficile d’avoir un débat serein sur l’immigration. Cette perception traduit une forme de crispation très présente dans le débat public. Pourtant, ce clivage repose sur une minorité active : d’un côté, les Identitaires, qui rejettent l’immigration ; de l’autre, les Militants désabusés, défenseurs de la richesse de la diversité culturelle. Entre ces deux pôles, nous avons identifié un « milieu ambivalent », majoritaire, qui exprime des sentiments mêlés : inquiétude, mais aussi compassion et bienveillance.
Un regard nuancé
Soixante et un pour cent des Français considèrent que la France a le devoir moral d’accueillir les personnes migrantes fuyant la guerre, la misère ou la maladie. Ce principe d’hospitalité coexiste avec une forte attente de contrôle des flux migratoires. Par ailleurs, une majorité se déclare favorable à un meilleur accès au travail pour les personnes migrantes, accès perçu comme vecteur d’intégration et antidote à l’idée d’assistanat. D’un autre côté, 55 % des personnes interrogées estiment que l’immigration contribue fortement à l’insécurité.
Les représentations négatives sont particulièrement marquées vis-à-vis des personnes de confession musulmane : 56 % des Français jugent cette religion incompatible avec les valeurs de la société française. Pourtant, quatre sur dix reconnaissent mal connaître l’islam, ce qui rappelle le poids des imaginaires dans la perception de l’altérité.
Une méconnaissance de la réalité
Plus d’un Français sur deux surestime la part des immigrés dans la population française (environ 10 % selon l’Insee). L’image dominante de la personne migrante est un homme isolé, en grande précarité, peu qualifié et en situation irrégulière – une représentation qui rend l’identification difficile et renforce les inquiétudes. Nos travaux confirment par ailleurs les effets positifs du contact : les Français en lien avec des personnes migrantes ou des environnements culturellement divers sont plus ouverts à l’immigration. Cela rejoint les conclusions de la recherche académique sur la théorie du contact.
Recréer un dialogue sur l’immigration appelle à privilégier ce qui rassemble plutôt que ce qui divise. Les « pro-immigration », souvent engagés dans le milieu associatif, ont un rôle à jouer dans l’instauration de ce dialogue. Mais se mettre dans une posture d’écoute et d’empathie, laisser les inquiétudes s’exprimer pour les faire évoluer n’est pas toujours aisé lorsqu’il est question d’un sujet qui touche au cœur de nos valeurs et de notre vision du monde. « Parlons migrations » propose une méthode et des clés pour y parvenir.