La parole, propre à l’être humain, implique la politique (discussion en commun de ce qu’il faudrait faire) et la politique implique la violence, qui est dite «légitime» quand elle est exercée par un pouvoir auquel on reconnait ce droit. Cette légitimité politique dépendant à la fois de «l’ancienneté des institutions», leur «légalité» et du «charisme» des dirigeants, «c’est ici que le mensonge aussi peut se glisser». Mais y a-t-il une fatalité à cela ?
Il est bon de rappeler que la parole est essentielle à la vie politique. Gouverner ou participer à la vie politique c’est certes agir, mais cette action est précédée, accompagnée ou suivie de paroles ou de discours, qu’il s’agisse des paroles échangées dans une assemblée de citoyens ou bien dans la communauté d’un village ou d’une tribu rassemblée à l’occasion d’une prise de décision collective importante, ou bien dans une assemblée de citoyens élus au sein d’un parlement, ou qu’il s’agisse des paroles prononcées publiquement par des dirigeants pour présenter, justifier leurs décisions.
Nous employons ici le mot paroles au pluriel, mais la parole doit être entendue au singulier, comme une spécificité de l’homme, dans le règne animal, tout comme la politique est spécifique à la vie collective de cet animal social particulier qu’est l’homme. Aristote disait que l’homme est un animal politique (zôon politikon) précisément parce qu’il est doué de logos, qu’il est un zôon logikon. Certes on a l’habitude de traduire zôon logikon par animal raisonnable ou encore par animal rationnel, car logos signifie à la fois parole et raison; mais on pourrait tout aussi bien traduire zôon logikon par animal parlant. L’homme est un animal politique parce qu’il est doué de parole.
Et c’est bien parce que l’usage de la parole (éventuellement soutenu par des qualités oratoires et les armes de la rhétorique) est essentiel à la vie politique que le mensonge aussi est prégnant dans la vie de la cité: les dirigeants politiques sont d’autant plus enclins au mensonge qu’ils masquent éventuellement la façon dont ils abusent de la confiance que leur accordent les citoyens. Mais le mensonge en politique n’est pas une fatalité. Refonder la parole en politique, c’est lui donner pour fondement et pour […]