I. Le constat
1/ La défiance générale
· Il fut un temps où nos sociétés étaient trop confiantes, trop crédules aux grandes histoires dont on les berçait. Aujourd’hui elles sont malades d’un excès de défiance, à l’égard de la politique, du système scolaire, de la médecine, de l’histoire, des Églises, des médias, du progrès scientifique, de la nourriture, de tout.
· Sans doute des attentes excessives ont-elles laissé une déception générale ; les institutions politiques ont trop longtemps laissé croire qu’elles pouvaient apporter des « solutions » (les opinions publiques se laissent bercer dans cet espoir et se mettent en grogne quand il est déçu). Mais nous sommes dans une culture du « je ne dois rien à personne » et du « c’est normal, on me le doit ». L’ingratitude y est érigée en système.
· Soupçon d’un appel hypocrite à l’éthique, au droit, aux valeurs. La valeur n’est plus qu’un alibi (par exemple les DH, le care). Le comble de la manipulation et de la dissimulation, chaque fois qu’une valeur « dernière » n’est plus discutée et devient un paravent.
· Cette crise s’inscrit dans une longue histoire. C’est que les meilleures intentions de la modernité européenne ont eu des résultats contraires à leur souhait. Dès lors, on ne cherche plus le bon, on ne veut plus que se protéger du mal. Mais toute protection contre un mal nous place sous la dépendance de ce mal. Qui nous protègera ? L’inquiétude sur l’avenir vulnérable de la planète décuple le sentiment de la fragilité de nos institutions, qui à son tour décuple la précarité des existences individuelles.
· Crise de légitimité d’une société issue du choix de la croissance illimitée et de la consommation sans bornes : auto déception du projet « occidental ».
2/ L’affaissement de la démocratie
· Dépolitisation et démoralisation, découragement, nouvelle barbarie.
· Nos contemporains désertent la confiance dans les institutions communes pour se réfugier dans la vie privée : mais ils ont beau être de plus en plus repliés, sélectifs dans leurs liens, là aussi tout est fragile, tout se lézarde. Nous n’avons pas seulement affaire à l’éboulement général des grands systèmes de nos sociétés trop complexes, mais aussi à l’effondrement intime de nos psychismes trop sollicités. […]