Rédigé avant le mouvement des Gilets Jaunes, l’appel lancé au Président de la République par des mouvements catholiques et protestants du social et de la jeunesse (voir encadré) est une première. C’est la première fois que ces mouvements insistent en commun sur la nécessité de mettre les milieux populaires et la jeunesse au centre de la transition écologique : « Nous savons que ce sont les plus pauvres qui paient le prix fort des dérèglements climatiques et de la flambée des prix de l’énergie ». Jusque-là, les appels chrétiens avaient été très généraux : c’est un véritable programme pour une transition écologique populaire qui est mis sur la table.

En matière de transport, il est demandé de cesser le développement des autoroutes, du transport aérien et des LGV au profit des circulations douces et des transports de proximité « gratuits pour les milieux populaires et les jeunes » mais aussi d’agir sur les causes qui obligent à habiter de plus en plus loin de son travail :«rétablissez et accentuez la régulation des prix de l’immobilier ».

Insistances de la Miss’ Pop’

Sur plusieurs sujets, les propositions viennent des Fraternités de la Mission populaire. Face à la malbouffe « qui entraîne une épidémie de diabète dans les quartiers populaires », il est demandé d’en interdire la publicité et à l’exemple du chèque énergie et du pass culture, de mettre en place une carte fruits et légumes de proximité. Autre chantier, celui de l’isolation des bâtiments, sur lesquels beaucoup n’ont pas de prise, puisqu’ils sont locataires. Il est demandé de renforcer les moyens des particuliers, des associations, des organismes d’HLM. Alors que les faibles revenus « obligent trop souvent à acheter le moins durable », il est demandé d’obliger les industriels à produire des objets réparables pendant 10 ans, permettant de valoriser le savoir-faire populaire du bricolage, de développer les filières de recyclage et d’instaurer les consignes« pour transformer le recyclage en action rémunératrice ».

Face à la crise de l’eau, inondations dans le sud de la France et sécheresse à l’Est, il est demandé d’encourager la gestion en régie publique, de redonner aux collectivités locales les moyens de diversifier l’approvisionnement, de favoriser les économies dans l’agriculture et dans la consommation des ménages grâce à des tarifs plus justes (faibles pour les usages nécessaires, plus chers pour les mésusages).

Urgence démocratique

Les mouvements de scoutisme ont eux insisté sur le développement d’une « éducation à l’environnement qui permette de s’immerger dans la nature », où l’on « “ vit plus ” avec moins d’objets, plus d’ami·e·s et de jeu ». Autant de mesures qui seraient créatrices d’emploi. L’intervention démocratique des citoyens est une condition de ces changements. Il est demandé l’instauration des référendums d’initiative populaire sur les aménagements, la redistribution d’une partie de l’argent de la démocratie représentative pour la contre-expertise et la démocratie citoyenne d’interpellation, la transparence de l’action des lobbies, etc. Les mouvements signataires estiment que «la politique des petits-pas ne suffit plus » et que les mobilisations sociales montrent qu’ « un kaïros – un moment opportun – se présente pour un changement profond, social, spirituel et politique, pour un changement de notre vision de l’humain et de son rapport avec toutes les formes de vie » et qu’«il ne faut pas le laisser passer». Le président doit donc prendre les « décisions profondes, inédites, structurantes, historiques» qu’il avait annoncé le 16 octobre dernier. Les mouvements signataires veulent montrer l’exemple, en s’engageant dans le label Église verte, le désinvestissement des énergies fossiles, la réduction drastique de leur usage de l’aérien, l’isolation performante ou l’installation de renouvelables sur leur patrimoine immobilier. Ils se veulent «semeurs d’espérance »:« Nous refusons la peur qui paralyse, nous n’agissons pas pour nous sauver mais parce que nous sommes déjà sauvés(…) Nous savons que de la force nous est donnée pour parvenir à éviter le pire ». Ils appellent à accentuer la pression citoyenne, notamment en participant aux « Marches pour le climat ».