Un constat des enjeux et des contradictions du combat pour les droits des femmes et de la lutte contre les discriminations, par une féministe d’hier et d’aujourd’hui.
Intervention prononcée lors de la journée du Christianisme social Égalité femmes hommes: réalité ou utopie ? du 22 octobre 2022.
Pour commencer, je voudrais pointer une contradiction entre un monde où, d’une part et parmi d’indescriptibles bouleversements et catastrophes écologiques, la guerre et les postures martiales se réinvitent massivement (et à nos portes mêmes), et, d’autre part un discours militant – généreux en son principe mais non sans effets pervers – qui s’est imposé dans nos démocraties occidentales et qu’on appelle la cancel culture (2).
Ce discours occupe les ondes en faveur des minorités de tous genres, discriminées en raison d’une faiblesse soit constitutive, soit sociale, parmi lesquelles, à côté des handicapés, des Noirs, des Juifs, des Arabes, des homosexuels… la moitié de l’humanité que sont les femmes. Il faut, déclarait la féministe militante Caroline de Haas, «percuter l’illusion de l’égalité des sexes».
Parmi ces discriminés, distinguons ce qui relève de la discrimination des sexes, de celle des genres et de celle de l’intersexuation.
La discrimination selon le sexe c’est, par interprétation sociale d’une différence biologique, la domination masculine classique. Elle est remise en cause dans nos sociétés grâce à une atténuation récente — elle n’a guère plus de 50 ans — du fardeau biologique de la procréation qui pèse sur les femmes, et du fait de la concurrence désormais massive entre hommes et femmes dans leurs études et leurs carrières. Cette discrimination a comporté jusqu’à très récemment une massive invisibilisation des femmes dans tout ce que les sociétés mettent en valeur: rappelons, le 26 août 1970, le dépôt de gerbe sur la tombe du soldat inconnu par une poignée de jeunes militantes – car «il y a plus inconnu que le soldat, c’est sa femme» – qui suscita un grand émoi médiatique et détermina la naissance du MLF, Mouvement de Libération des Femmes. On parle aujourd’hui d’un rééquilibrage par instauration volontaire de la parité plutôt que d’égalité, laquelle est désormais théoriquement de droit en France.
Dans la discrimination selon le genre, on retrouve la division entre masculin et féminin, mais sur le plan de la variabilité de son expression sociale, avec ou sans fondement biologique. Conformément à ce que l’ethnologue Françoise Héritier appelle «la valence différentielle des sexes» (3), les filles et femmes ainsi que leurs apports spécifiques à la vie commune sont en effet assez systématiquement dévalorisés socialement dans toutes les cultures, par rapport aux hommes et à leurs activités. Mais cette discrimination peut aussi concerner les comportements ou, comme on peut les appeler aujourd’hui du fait de leur reconnaissance officielle, identités homo-, bi- ou trans-sexuelles, tout ce qui dans […]