En dehors de Joséphine Baker, Léopold Sédar Senghor, Aimé Césaire, les figures noires de l’histoire française sont la plupart du temps restées dans l’ombre. Pourtant, les écoliers français entendent tous parler, à un moment ou à un autre, du pasteur américain Martin Luther King et de ses compatriotes Rosa Parks et Malcom X. Avec l’ouvrage intitulé Visibles !,Binkady-Emmanuel Hié, fondateur de l’agence Norme, et Léo Kloeckner, professeur d’histoire-géographie, mettent en lumière quarante français noirs ayant joué un rôle important, relate Vanity Fair. “À l’école, on vous parle de Martin Luther King, de Rosa Parks, de Malcolm X. On a tous entendu parler de l’histoire de la Ségrégation aux États-Unis, du mouvement des Civil rights… Par contre, personne ou presque ne connaît Frantz Fanon, les sœurs Nardal, Felix Éboué…”, explique Binkady-Emmanuel Hié.
En se rapprochant d’un enseignant, il a souhaité avoir l’avis d’un spécialiste de l’histoire sur cette question et vérifier si les choses évoluaient. Léo Kloeckner, lui, enseigne à Aulnay-sous-Bois. “J’ai très peu d’élèves blancs. Je m’interrogeais souvent sur ce point : qu’est-ce que ça veut dire d’être un prof blanc et d’enseigner une histoire blanche à des élèves qui me demandent souvent pourquoi cette absence de figures noires dans le récit national”, résume-t-il.
Le chevalier de Saint-George
Si malgré le temps les choses ne semblent pas changer dans les manuels scolaires, le livre Visibles ! entend réparer une certaine injustice. Parmi ceux des quarante personnalités présentées, il dresse le portrait de Joseph Bologne, aussi appelé le chevalier de Saint-George, grand artiste, violoniste, chef d’orchestre et compositeur. Ce fils d’une esclave guadeloupéenne et d’un colon blanc était tellement talentueux que Louis XVI et Marie-Antoinette ont envisagé de lui confier la direction de l’Académie royale de musique.
En faisant débuter leur ouvrage au XVIIᵉ siècle, les auteurs ont voulu montrer que l’histoire des noirs en France est ancienne. Ils ont également pris le soin de choisir des personnages venus d’univers différents. Au fil des pages, les lecteurs (re)découvrent des artistes, des sportifs, des scientifiques… Des femmes comme des hommes. Parmi eux, Gaston Monnerville, président du Sénat de 1958 à 1968, Casimir Fidèle, un esclave déporté dans son enfance de l’Afrique vers les Caraïbes et qui a atterri à Bordeaux. “Il a été affranchi puis a suivi une formation de chef cuisinier. Il a fini par diriger l’un des plus prestigieux restaurants de France”, raconte Binkady-Emmanuel Hié au magazine.
Une lacune
“Pour la plupart des gens, […] il n’existe pas de figures noires de l’histoire française. Comment ressentir une lacune quand on n’a pas idée que quelque chose existe ?”, questionne-t-il. En revanche, avec Léo Kloeckner, il remarque qu’en matière de noms de rues, des progrès existent depuis 2013. Cette année-là, un quai Aimé Césaire a été inauguré à Paris. Et sept ans plus tard, toujours dans la capitale, un parc à Paris a été baptisé Solitude, en mémoire de l’esclave guadeloupéenne qui s’est rebellée contre le rétablissement de l’esclavage en 1802 par Napoléon. Solitude a ensuite été condamnée à mort.
Livre de vulgarisation compilant des sources académiques, Visibles ! a été pensé pour intéresser des personnes n’ayant pas forcément d’appétence pour la question raciale ou qui ne se lanceraient habituellement pas dans la lecture d’un ouvrage trop épais. Si bien qu’il s’adresse même au jeune public.