La parole
Caïn parla à son frère Abel (silence) et, lorsqu’ils furent aux champs, Caïn attaqua son frère Abel et le tua.
La Bible, livre de la Genèse chapitre 4, verset 80
Chemin de réflexion
Parlons-nous !
J’avoue ne pas comprendre : pourquoi détruire des doses de vaccins offertes alors que tant de peuples rêvent d’y avoir accès ? Pourquoi s’en prendre à des centres, voire à des pompiers, pharmaciens, soignants qui vaccinent pour tenter de juguler la maladie ? Pourquoi tant d’agressivité, de violence, de haine disproportionnée, voire irrationnelle ?
Que des visions divergent, que certains ne soient pas d’accord d’être « obligés » de se faire vacciner, je peux l’entendre, je suis prêt à en débattre même si je ne partage pas cet avis. De là à entrer dans une violence qui ne laisse aucune place à l’échange, dans une confrontation mutique de principes absolus : Non! Cette absence de dialogue conduit Caïn à tuer Abel, à monter frères et soeurs les uns contre les autres. En effet, le silence peut devenir mortifère et source de violence.
Parlons, échangeons sur nos désaccords pour ne pas entrer dans cette spirale de division haineuse qui tue nos relations sociales…
Pascal Hubscher, pasteur et responsable aumônerie SMS de l’UEPAL
Reconstruire du dialogue
Récemment, des agressions verbales et même physiques ont eu lieu contre des pharmaciens, des pompiers, des bénévoles des centres de vaccination… chacun faisant son travail, rien de plus, ou donnant de son temps libre pour assurer la protection du plus grand nombre. Alors, pourquoi tant de haine ? Qu’avons-nous manqué, collectivement, pour qu’une telle violence surgisse dans la société ?
Caïn et Abel sont deux frères divisés par la jalousie. Et Caïn tue Abel ! Comment en sont-ils arrivés là ? Le texte ouvre une piste de réflexion surprenante : Caïn entreprend de parler à son frère Abel mais… ne dit rien. Silence. Et c’est alors que le drame éclate. Au fond, ce n’est pas la jalousie qui est le vrai déclencheur du drame, mais bien l’absence de parole.
Aujourd’hui, comment reconstruire du dialogue ? Pourrait-on s’écouter les uns les autres, entendre le point de vue d’autrui ? Comprendre quel mal-être ou quel choix de vie guide ses décisions ? Découvrir les attentes, les colères et les peurs ? La parole désamorce la violence. Recourons-y sans modération !
Christine Renouard, pasteure. Église Protestante unie de France
Haine des autres, impuissance de Soi
La haine résulte d’une expérience individuelle ou collective vécue comme menace existentielle de l’identité, qui se transforme en désir de destruction : de nombreuses expressions nationalistes, identitaires ou partisanes ressassent de vieilles blessures jamais reconnues. Elle reste paradoxalement une manifestation d’attachement, comme dans certains couples divorcés qui continuent la guerre par enfants ou biens interposés.
Ce sentiment provient du refoulement inconscient et durable d’une « colère contre » qui – à cause de la honte d’avoir été dans l’incapacité de réagir en situation de danger – s’est transformée en haine de soi et dont on cherche à se libérer en en rejetant la culpabilité sur l’autre. L’échec d’avoir pu ou su prendre soin de soi en osant parler de sa blessure a provoqué un retournement de haine contre l’autre.
Confronter l’autre, dire sa blessure, son mal-vécu, ses émotions, prendre soin de soi-même, permet de sortir de son impuissance, de sa honte / culpabilité, sans la rejeter sur l’autre comme détestation ou rancune. C’est ce à quoi nous invite le livre du Lévitique : « N’ayez aucune pensée de haine contre un frère, mais n’hésitez pas à le réprimander, afin de ne pas vous charger d’un péché à son égard » (Chap 19, v 17).
Hervé Ott, Formateur, consultant, médiateur en transformation de conflits
Des mots pour prier
Seigneur, donne-moi d’entendre les positions qui me choquent ou contrarient ma façon de voir et de prendre de la distance dans ces situations, pour que mon opposition laisse une place à l’autre.
Seigneur, ne permet pas au silence de nourrir ma violence qui transforme l’autre en objet à combattre ou à anéantir.
Seigneur, donne-moi la force d’une parole partagée qui m’amène à aimer mes ennemis comme l’a fait Jésus-Christ, car le mot « aimer » reste creux s’il ne permet pas la réconciliation.
Amen