Dimanche 10 avril, le premier tour de l’élection présidentielle a été marqué par un fort taux d’abstention : 26,31% des électeurs ont boudé les urnes, rapporte France Info. Lors du précédent scrutin, en 2017, le niveau d’abstention s’élevait à 22,2%. Le niveau de 2022 a été dépassé vingt ans plus tôt, remarque le site d’information, en 2002, lorsque 28,4% des électeurs s’étaient abstenus lors du premier tour.
Comment, par ailleurs, interpréter une telle abstention cette année ? “La remobilisation de l’électorat se joue en partie sur la qualité de la campagne, qui permet aux gens de se plonger dans les débats et de se positionner”, explique le chercheur en sociologie électorale Vincent Tiberj, auprès de France Info. Et d’analyser : “Cette campagne n’a pas été suffisante pour contrer la désillusion des Français face au vote.”
“Le Covid-19 a aussi chamboulé les meetings, limité le porte-à-porte, contraint des candidats à s’isoler”, ajoute Céline Braconnier, professeure spécialiste des comportements électoraux, toujours auprès de France Info. Pour elle, les sondages y ont également joué pour quelque chose : “Les sondages ont tout de suite mis en scène une élection jouée d’avance, ce qui est peu mobilisateur et même décourageant pour les plus éloignés de la politique. Cet effet avait déjà expliqué l’abstention record de 2002, quand tout le monde s’attendait à un second tour Chirac-Jospin.”
“Ne pas négliger la crise sanitaire”
La chercheuse tempère toutefois : “Une remobilisation de dernière minute a sans doute eu lieu sous l’effet du resserrement des sondages. Les possibilités pour Jean-Luc Mélenchon d’arriver au second tour et pour Marine Le Pen de se faire doubler ont pu mobiliser leurs électorats.” Stewart Chau, de l’institut de sondage Viavoice, complète, auprès de Libération : “C’est conforme à ce qu’on pouvait attendre. Malgré une campagne sans réelle dynamique, qui a semblé empêchée, voire confisquée, les électeurs semblent s’être déplacés de manière non négligeable. Je verrais plutôt le verre à moitié plein.”
De plus, dit-il, “les Français exprimaient déjà une lassitude démocratique lors de précédents scrutins. On note une usure de l’opinion publique qui considère que l’offre politique ne répond pas à ses préoccupations, aux sujets qui les concernent vraiment. À cette défiance s’ajoutent des éléments inédits. La guerre en Ukraine dès la mi-février a fait passer la campagne en arrière-plan. Mais il ne faut surtout pas négliger la crise sanitaire : durant deux ans, le débat politique a été anesthésié, les oppositions politiques ont peu existé.” Pour Stewart Chau, “une forme de ressentiment démocratique s’est créée, précise-t-il à Libération, dont l’abstention n’est qu’une forme.”