Enfant d’officier de l’Armée du Salut, j’ai travaillé dans le secteur bancaire après mes études. Préoccupé par les situations difficiles des ménages surendettés et personnes isolées, j’ai fait de la gestion financière pendant sept ans. Quand l’Armée du Salut m’a sollicité, j’ai refusé. Je voulais poursuivre ma carrière dans la banque.

La vocation, un appel particulier de Dieu

Et puis, avec mon épouse, nous avons réfléchi et nous nous sommes dit que Dieu voulait peut-être nous voir prendre une autre route. Nous avons eu confirmation lors d’une prédication, par un pasteur anglais qui ne connaissait pas notre situation. Nous avons été énormément marqués par cet appel. J’ai pris la décision de quitter la banque et de travailler à l’Armée du Salut.

J’aime parler de vocation, bien plus que d’engagement. Quarante années plus tard, dont vingt-cinq en direction d’établissements, sept comme directeur des programmes pour le secteur jeunesse-handicap-dépendance et presque huit au poste de directeur général, je ne regrette rien. Au contraire, quand je regarde mon parcours au service de ceux qui souffrent, j’ai vraiment l’impression d’avoir eu une vie bénie. Je crois que c’est essentiel de répondre à sa vocation.

Des valeurs essentielles

L’Armée du Salut prône des valeurs sur lesquelles j’ai bâti ma vie. L’inconditionnalité, par exemple : nous accueillons ceux que les associations ou professionnels ne prennent pas en charge, nous essayons de répondre aux problématiques des plus démunis, au plus près d’eux, dans la rue. Nous travaillons avec des professionnels et des bénévoles, mais aussi avec des personnes accueillies ; pour apporter une aide qualitative, on ne peut pas agir tout seul. La fraternité rejoint l’humilité, personne ne détient la vérité ; pour éviter de se tromper, mieux vaut avancer ensemble. L’espérance aussi est essentielle, pour redonner de l’espoir même à ceux qui sont en désespérance.

Sauvé pour servir

Les « s » de l’Armée du Salut, c’est d’abord « sauvé pour servir ». C’est un engagement fort pour nous, salutistes, d’être au service de notre prochain, de témoigner de notre foi en actes et en paroles. Comme le disait William Booth, Dieu peut vous accompagner toute votre vie alors que moi, je ne serai là que pour un temps. Bien sûr, le slogan « soupe, savon, salut » est toujours d’actualité, et plus encore avec le flux migratoire, la crise sanitaire et l’accroissement de la pauvreté en France. Si la formule est un peu plus moderne aujourd’hui – « secourir, accompagner, reconstruire » – l’objectif demeure : nourrir les plus démunis ; offrir une hygiène de vie à ceux qui n’ont rien et vivent dans des conditions inacceptables ; annoncer l’Évangile pour que tous puissent prendre conscience de l’amour de Dieu pour chacun.

Sur le plan humain, la santé et la famille sont bien sûr très importantes. Mais au-delà, je crois que l’essentiel est d’être un enfant de Dieu, utile à son service et fidèle à son appel. Notre Père nous soutient et nous guide, alors agissons avec force et reconnaissance. C’est le véritable sens d’une vie riche et accomplie.

Par Éric Yapoudjian, directeur général, Fondation de l’Armée du Salut