La France connaît la crise depuis plus d’une trentaine d’années. Nous ne sommes plus une société en crise mais de crise. Cette crise est devenue multiple : sociale, économique mais aussi écologique et idéologique.

Dans ce contexte, nous assistons à des replis sur soi, des replis sur des valeurs traditionnelles et religieuses plus rigoureuses, des replis à caractère identitaire, des pratiques religieuses parfois réinventées, et des pressions communautaires -souvent plus médiatisées qu’auparavant-, en particulier dans des zones périphériques, dans des zones rurales et dans des quartiers trop longtemps laissés à l’écart où le sentiment de relégation sociale est très fort. Le monde est globalisé et individualisé, les systèmes alternatifs au modèle capitaliste sont inaudibles, inopérants ou isolés ; des repères qui apparaissaient solides n’existent plus, les syndicats et partis politiques voient le nombre de leurs adhérents se réduire toujours plus.

Les difficultés du quotidien mais aussi la perte de sens et l’absence de perspectives peuvent amener les citoyens à rechercher des réponses simplistes mais concrètes. La religion apparaît souvent comme un réceptacle pour de nombreux citoyens qui recherchent un soutien moral et qui sont en quête de spiritualité. Cependant, tout comme l’extrémisme politique, l’intégrisme religieux peut réveiller les instincts et les passions primaires de chacun, plutôt qu’encourager le recul, l’écoute de l’autre et la raison.

Cela appelle à la plus grande responsabilité de la part des élus et des ministres du culte et de leurs organisations, chacun dans son domaine. Il en est de même quant au traitement médiatique, qui influence non seulement l’opinion mais aussi les comportements. Certes, la situation globale décrite pourrait nous pousser à désespérer de tout, à ne plus croire en rien. C’est d’ailleurs cette résignation qui domine largement chez de nombreux concitoyens (comment les blâmer ?) mais aussi dans le débat public. C’est pourtant sur elle que surfent les pires extrémismes pour propager les peurs, attiser les haines et conquérir les pouvoirs.

C’est pourquoi, plus que jamais, nous devons croire en l’action publique. Mais celle-ci doit être investie le plus largement possible par l’ensemble de la société civile et laïque. Quelles que soient nos appartenances propres, nos croyances ou nos convictions, nous devons assumer une histoire commune et la construction d’un avenir commun. À tous les niveaux, à celui qui nous apparaît à chacun le plus opportun, nous devons nous investir et agir concrètement, ne pas céder un pouce de terrain à l’enfermement sur soi, au rejet de l’autre ou au renoncement à nos valeurs.

La période de doutes que nous traversons doit être l’occasion de faire émerger une nouvelle génération d’acteurs de la vie publique prêts à s’investir pour lutter contre les déclinistes (omniprésents dans le débat public) mais aussi pour permettre une nécessaire respiration démocratique, usant davantage de la démocratie participative, s’appuyant utilement sur le monde associatif et promouvant l’émancipation et la culture populaire contre un élitisme largement déconnecté et conservateur.