Dans la porte de mon frigo, j’ai retrouvé un pot de moutarde que je n’ai pas ouvert depuis un an. Il date de l’époque où la pénurie de moutarde frappait la France et les rayons d’huile de tournesol étaient vides (je cuisine à l’huile d’olive, donc le stress était moins grand…).

On a alors crié haro sur les agriculteurs, coupables de tous les maux, coupables de n’avoir pas su anticiper la sécheresse au Canada, fournisseur de graines de moutarde, et la guerre en Ukraine, producteur de tournesol. Ils auraient dû semer préventivement !

Il ne fait pas bon d’être agriculteur en France ce moment : les rats des villes (qui n’ont jamais cultivé un champ ou conduit un tracteur de leur vie) leur reprochent qu’ils ne sont pas assez « bio », pas assez « écolo », qu’ils utilisent de méchants pesticides et désherbants, qu’ils sont gros consommateurs d’eau pour l’irrigation…

Mais le rat des villes veut son panier rempli et des fraises fraîches au mois de février (tant pis si elles arrivent d’Afrique en avion). Pendant ce temps, l’agriculture n’en finit pas de se transformer et de se rapetisser : aujourd’hui en France, il y a 416 054 exploitations agricoles actives sur le territoire, contre 514 964 en 2010, environ 400 000 exploitants et 250 000 ouvriers agricoles (INSEE 2022). Qui a envie de faire un métier exigeant, fatiguant, mal rémunéré et souvent solitaire ? (Les agriculteurs âgés de 15 à 64 ans ont un risque de mortalité par suicide supérieur de 43,2 % à celui des autres professions.)

Peut-être que nous, chrétiens, pourrions nous souvenir des origines agricoles du christianisme ? Dans son message, le Christ n’emploie que des images tirées de l’économie agricole de son temps.

Peut-être pourrions-nous « aimer », être solidaires et respecter celles et ceux qui nous nourrissent et nous réjouissent les papilles ?

C’est une forme d’écologie discrète, fraternelle, sans jugement de valeurs péremptoire, typique du rat des villes, que nous pouvons vivre ensemble. Noé, après le déluge, a vécu cette expérience au moment où Dieu fait cette promesse qui doit nous porter :

« Tant que la terre subsistera, les semailles et la moisson, le froid et la chaleur, l’été et l’hiver, le jour et la nuit ne cesseront pas. » (Genèse 9,22)