Les lycéens et les étudiants sont mobilisés contre le projet de réforme des retraites. Nombreux à manifester, ils communiquent également via leurs syndicats. RFI s’est penché sur ce qui pousse les jeunes dans la rue ou à participer à des blocages de lycées ou d’universités. Spécialiste des mouvements sociaux, le sociologue Paolo Stuppia rappelle tout d’abord que les précédentes tentatives de réformes n’avaient pas vraiment soulevé la jeunesse. Selon lui, leur implication s’explique par la “solidarité” avec leurs aînés, la “convergence des luttes”. En retardant l’âge de départ à la retraite de ceux-ci, les jeunes estiment qu’on leur retire du temps passé auprès de leurs parents en bonne santé.
Ce n’est pas tout. Les jeunes craignent que l’allongement de la durée de cotisation ne complique encore leur insertion sur le marché du travail.“Ce sont deux années où l’entreprise n’embauchera pas de nouveaux effectifs”, confirme Louis, 24 ans, à la radio. Le jeune homme rêve d’un modèle de travail avec plus de sens. “Devoir travailler toujours plus, (…) pour de l’argent et pour continuer à consommer, quand on fait face à autant d’inflation qui nous précarise et à la crise climatique sans précédent qu’on est en train de vivre, c’est affligeant”, poursuit-il.
Crise climatique, insertion professionnelle
Il n’est pas le seul à penser ainsi. Sa génération évoque très régulièrement l’urgence climatique. “Pour nous, cette réforme, c’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Ces dernières années, on a mis en lumière la précarité des étudiants, on voit aussi que la jeunesse est très anxieuse de son futur par la crise climatique, par les difficultés d’insertion professionnelle, et cette réforme ne va pas arranger les choses, au contraire, elle va ajouter des difficultés”, confirme Maëlle Nizan, vice-présidente chargée des enjeux de société à la Fédération des associations générales étudiantes (FAGE).
Le sociologue Paolo Stuppia n’y va pas par quatre chemins. Pour certains jeunes, le projet de réforme des retraites est “une provocation supplémentaire dans un ensemble de politiques publiques”, dont la diminution de cinq euros des aides pour le logement (APL)“toujours élaborées contre les jeunes et les moins favorisés de la société”. La conjoncture politique participe aussi à la mobilisation des jeunes, estime le sociologue. Les jeunes ayant voté Jean-Luc Mélenchon, lors de la dernière présidentielle, et accordé leur voix à la Nupes lors des législatives sont davantage tentés de s’opposer à la réforme des retraites.
Plus d’étudiants salariés
Le sociologue pense également que “la diffusion massive du salariat étudiant” explique leur présence plus importante dans les manifestations. Selon ses chiffres, un million d’étudiants travaillent, ce qui équivaut à 5 à 6% du salariat français. Au contact du monde du travail, les étudiants se sentent davantage concernés, note RFI.
Observateur des mouvements sociaux, Paolo Stuppia rappelle que la réussite d’une contestation dépend d’une multitude de facteurs. Néanmoins, “les jeunes sont des acteurs de premier ordre et [ils] participent à rendre visibles des revendications”, souligne-t-il. Et de constater que l’unité syndicale est, pour le moment, plus importante qu’en 2006. L’union avait alors permis d’obtenir le retrait du contrat première embauche (CPE).