Je suis arrivée à la prison de Fleury-Mérogis en 1997. J’ai d’abord exercé à la maison d’arrêt des hommes, et je suis depuis 2001 à la maison d’arrêt des femmes (MAF).

Je suis venue un peu par hasard à ce poste. J’étais alors une jeune sœur dominicaine et ma communauté m’avait conseillé de chercher un travail. Ma première expérience professionnelle a été dans un centre d’hébergement, mais les horaires et les conditions de travail ne me convenaient pas. J’ai continué à chercher, et à l’époque, il n’y avait pas internet mais le minitel. Une sœur m’a conseillé d’essayer de travailler en prison. A l’époque, je ne savais pas ce que c’était, je ne connaissais que les noms de Fresnes et de Fleury-Mérogis. J’ai appelé la prison de Fresnes mais on m’a répondu qu’il n’y avait pas de poste, ensuite j’ai appelé Fleury. On m’a proposé un rendez-vous, je m’y suis rendue et on m’a offert un poste.

La MAF est une petite structure, il y a environ 250 détenues, je connais presque toute la patientèle. Par rapport aux quartiers pour hommes, chez les femmes, les mouvements des patientes sont plus fluides, on perd moins de temps, les surveillantes sont plus attentives, elles préfèrent signaler quinze fois la même détenue plutôt que de passer à côté d’une personne en demande. A Fleury, il y a une équipe compétente, un réseau efficace avec des hôpitaux de proximité. Dans les unités pour femmes de petite taille, souvent au sein d’un établissement pour hommes, c’est sans doute beaucoup plus difficile. Travailler en milieu carcéral nécessite d’être au sein d’une équipe. Quand l’équipe est fournie, c’est une chance.

Une chose très importante pour moi, est que travailler comme médecin en prison est riche de sens pour ma foi chrétienne.

Si le Christ est venu partager la vie des hommes, y compris ceux qui désespèrent, en étant auprès de gens désespérés, je suis à ma place. Mais je reste sur mon terrain de médecin, je ne suis pas aumônière, je fais attention à ne pas mélanger les places.

Je ne demande jamais aux patientes les raisons de leur incarcération, c’est un principe fondamental, pour maintenir le respect du secret médical. La meilleure façon de le protéger est de ne rien demander d’autre que ce qui concerne les problèmes de santé. Donc je ne participe jamais aux commissions pluridisciplinaires uniques, organisées par l’Administration pénitentiaire. Je peux éventuellement demander le statut de prévenue ou condamnée, la durée de la peine, pour savoir s’il est raisonnable ou non de programmer des bilans et des soins sur la durée.

La MAF est plus calme, plus silencieuse, plus propre que la maison d’arrêt pour hommes, mais les manifestations de la violence sont tout aussi fréquentes et dures, peut-être même plus. La violence est à tous les niveaux, physique, verbale, émotionnelle. Il y a des rivalités entre les femmes, des jeux de séduction, de rupture, de rancune, que l’on n’observe pas de […]