Maud Bregeon, la porte-parole du gouvernement, l’a annoncé dimanche 13 octobre : l’exécutif prévoit un nouveau texte sur l’immigration. Son examen par le Parlement pourrait démarrer dès le début de l’année. Pourtant, il y a un an, la loi de Gérald Darmanin sur le sujet avait divisé la majorité à l’Assemblée nationale. Cette fois, Bruno Retailleau, nouveau ministre de l’Intérieur, souhaite allonger la durée de « la rétention administrative » des étrangers clandestins jugés dangereux, après l’affaire Philippine. L’étudiante avait été retrouvée morte dans le bois de Boulogne. Le suspect, un Marocain de 22 ans, déjà condamné pour viol et visé par une obligation de quitter le territoire français. Pour le moment, la durée maximale de rétention est de 90 jours. Elle peut atteindre 210 jours, mais uniquement dans le cas d’infractions terroristes.
Cinq lois sous Nicolas Sarkozy
Depuis 1945, 118 textes de loi sur l’immigration ont été votés, rappelle Le Monde. Parmi les ministres de l’Intérieur, Charles Pasqua et Nicolas Sarkozy ont été les plus actifs. En novembre 2003, le ministre de l’Intérieur de Jacques Chirac entame son second mandat. Il demande et obtient le vote de sa première loi immigration. Elle durcit les conditions d’entrée et de séjour des étrangers en France et fait passer les délais de rétention de 12 jours à 32. Parallèlement, les photos des étrangers sont compilées dans un fichier policier et les peines renforcées en cas d’aide à l’entrée et au séjour irréguliers.
Cette loi est complétée un mois plus tard par la loi Villepin, alors ministre des Affaires étrangères. Le texte raccourcit le délai d’instruction des demandes d’asile et contraint les préfectures et l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) à privilégier les procédures rapides. Conséquence directe de cette mesure, les demandeurs n’ont plus que 21 jours pour constituer leur dossier, au lieu de 30. À partir de là, la demande doit être faite en français.
En juillet 2006, une deuxième loi Sarkozy sur l’immigration est adoptée puis validée par le Conseil constitutionnel. Celle-là supprime la régularisation de plein droit après dix années de présence en France et durcit les conditions du regroupement familial. Pour en faire la demande, le délai de séjour en France requis passe de 12 à 18 mois. La loi impose aussi aux conjoints de Français de retourner dans leur pays pour faire une demande d’un visa de long séjour.
Dès novembre 2006, une loi portée par Pascal Clément, alors ministre de la Justice, s’attaque aux mariages blancs. Elle rend, en effet, obligatoire le contrôle de l’identité des candidats au mariage et prévoit une audition des futurs époux en cas de doute.
En novembre 2007, une cinquième loi vient compléter l’arsenal législatif. Nicolas Sarkozy est devenu président de la République et Brice Hortefeux, son ministre de l’Intérieur, obtient une restriction accrue du regroupement familial. Les candidats sont désormais soumis à un test de connaissance de la langue française et des valeurs de la République. Et si l’état civil de leur pays « présente des carences », un test ADN devra également être réalisé.
Trois lois sous François Hollande
Sous la présidence de François Hollande (PS), le durcissement de la politique migratoire française malgré certains assouplissements. Pour mémoire, avec le « printemps arabe » dans les années 2010, qui s’est transformé en guerres civiles dans certains États comme la Syrie et la Libye, la France a vu arriver une vague de réfugiés. Les demandes d’asile ont alors également bondi. Un phénomène observé dans les pays voisins.
En décembre 2012, la loi sur le droit au séjour portée par Manuel Valls, alors ministre de l’Intérieur, est adoptée. Elle vise à dissuader les entrées individuelles sur le territoire. En même temps, elle abroge le délit de séjour irrégulier, afin de se conformer au droit européen, et crée une mesure privative de liberté à la place de la garde à vue. Le Groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti) décrit cette mesure comme étant un moyen pour les forces de l’ordre de garder à disposition pendant 16 heures les personnes contrôlées, un délai permettant de vérifier leur droit au séjour et, si nécessaire, d’obtenir un ordre de quitter le pays. La loi supprime également le délit de solidarité. Depuis 1994, celui-ci réprimait l’aide aux étrangers en situation irrégulière.
Pendant l’été 2015, alors que la France s’est engagée à accueillir 30 000 demandeurs d’asile mais seuls 10% le sont. Bernard Cazeneuve, alors ministre de l’Intérieur, dégaine une loi sur l’asile. Le texte met en place le titre pluriannuel de séjour, dont la validité va de deux à quatre ans. Son but ? Faire en sorte que les étrangers en règle évitent « une dizaine de passages par an en préfecture ». Dans le même temps, comme le fait remarquer Le Monde, la loi permet le maintien en rétention des étrangers mineurs. François Hollande avait pourtant promis l’inverse en 2012.
En mars 2016, une autre loi Cazeneuve se penche sur le droit des étrangers. Elle rend possible l’enfermement des enfants de familles étrangères dans les commissariats et les décrets d’application de la loi placent la procédure des « étrangers malades » sous la houlette de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) et donc indirectement du ministère de l’Intérieur. Auparavant, ces dossiers dépendaient des agences régionales de santé. Dans le même temps, ces décrets renforcent le droit à l’information des préfets sur le contrôle du séjour des étrangers en possession de cartes de séjour pluriannuelles.
Déjà trois lois sous Emmanuel Macron
Alors qu’il était candidat à son premier mandat, Emmanuel Macron avait promis de réduire à six mois la durée moyenne de traitement des demandes d’asile. La loi asile et immigration du 10 septembre 2018 par Gérard Collomb, alors ministre de l’Intérieur, transforme la procédure administrative. En 2021, le délai moyen tourne encore autour de « 8,6 mois », selon l’Office, avant de tomber à quatre mois en 2023. « Un délai historiquement bas » d’après l’instance.
Mais la loi qui a fracturé la majorité, allonge la durée maximale du séjour en centre de rétention à 90 jours. Et ce, afin de simplifier les reconduites à la frontière. En août 2021, la loi confortant le respect des principes de la République, dite « loi contre le séparatisme », provoque une nouvelle controverse. Contenant des dispositions sur l’immigration, elle prévoit qu’aucun titre de séjour ne sera délivré à un étranger vivant en France « en état de polygamie ».
En 2024, le conseil constitutionnel censure un important pan d’une nouvelle loi immigration. Portée par Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur, elle est cependant promulguée le 26 janvier. Forte de 51 articles, elle en comptait initialement 86. Ce texte élargit les obligations de quitter le territoire français (OQTF) à des étrangers habituellement protégés, comme les personnes arrivées en France avant l’âge de 13 ans. Elle crée également un fichier des mineurs non accompagnés délinquants et conditionne l’obtention d’un titre de séjour au respect des « principes de la République ». Enfin, la loi immigration de 2024 allonge de six mois à un an la durée d’assignation à résidence d’étrangers soumis à une mesure d’éloignement.
Présentée comme un moyen d’équilibrer le texte, la régularisation de travailleurs sans-papiers dans les « métiers en tension » est finalement rabotée. Le texte adopté prévoit, en effet, que les préfets donnent leur aval à la délivrance ou non d’un titre de séjour.