Le constat est préoccupant. Un rapport du Sénat, paru en mars dernier et récemment cité par Le Monde, indique que 11% des Français de 17 ans et plus n’ont pas de médecin traitant en 2022. D’après les travaux du géographe de la santé Emmanuel Vigneron, la période 2017-2021 a vu la baisse de la densité en médecins généralistes s’accélérer : sur cette période, écrit le quotidien, le nombre de médecins généralistes par département, par rapport à la population, a diminué de 1 % par an.
Dans une interview à L’Express, Luc Duquesnel, président des généralistes au sein de la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF) et médecin en Mayenne, analyse : “Selon les chiffres donnés par la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES), le nombre de médecins va continuer de diminuer jusqu’en 2030. Le manque de médecins traitants était à prévoir. Le numerus clausus, c’est-à-dire le nombre d’étudiants admis à passer en 2e année de médecine, est passé de 9 000 en 1975 à 3 500 en 1995. La situation d’aujourd’hui, on aurait pu la prédire il y a vingt ans.”
Les zones rurales plus touchées
Dans la commune d’Évron, à une trentaine de kilomètres de Mayenne, la situation est aux abois. Le Monde mentionne des vidéos, tournées le 1er septembre par France Bleu, qui montrent une file d’attente de 120 personnes devant la maison de santé : elles espèrent intégrer la patiente d’un nouveau médecin. “Ça fait vingt ans que la situation se dégrade, déplore Luc Duquesnel dans les colonnes du journal Le Monde. Depuis le 1er juillet, le territoire d’Évron est officiellement le territoire le plus faible du département, en matière de démographie médicale. Il dispose de 47 médecins généralistes pour 100 000 habitants.” Le 1er janvier 2021, la moyenne nationale s’établissait à 339 médecins généralistes pour 100 000 habitants.
C’est que les zones rurales sont particulièrement touchées. D’après une série d’études menées en 2020 et 2021 à l’initiative de l’Association des maires ruraux de France (AMRF), en partenariat avec France Bleu, la désertification médicale touche davantage les campagnes. En moyenne, affirment ces travaux, un médecin généraliste couvre 30 km2 dans les bassins de vie ruraux contre 5 km2 dans les bassins de vie urbains. Ainsi, il est six fois plus difficile de consulter un médecin en milieu rural qu’en ville. L’AMRF a alors fait émerger quatre grandes mesures pour tenter de remédier au problème : diversifier les lieux de stage des étudiants, mettre en place des équipes de soins coordonnées, faciliter l’installation des professionnels de santé et enfin faciliter les collaborations entre les médecines de ville et hospitalière.