À partir d’une question d’actualité, la « boussole de la FEP » propose des pistes de réflexion pour nourrir le sens de nos actions et tenter d’éclairer le sens des événements que nous traversons.

La parole

Quel homme peut vivre sans voir la mort ?
Qui peut sauver son âme du séjour des morts ?

La Bible, Psaume 89, verset 49

Chemin de réflexion

Le cocon avant l’envoi

Au moment de la réouverture de nos lieux de vie sans masque ni pass, certains restent très marqués par la peur. Parallèlement à l’annonce de l’apaisement du virus, résonnent les bruits de guerre à la porte de l’Europe avec la mort qui touche petits et grands, fragiles et bien portants, dans les bombardements. Quand les uns ont le sentiment de retrouver la liberté et la vie, d’autres craignent de mourir. Toutes les crises sanitaires successives que nous avons vécues peuvent être comparées à un retrait dans le cocon.
Ces moments de refuge ont pu nous sécuriser un temps avant que s’ouvre la voie de ce qui nous permet ensemble de faire société, de nourrir les liens qui nous unissent. Comme à chaque naissance, en voyant le jour, nous entrons dans la vie avec tout ce que ça implique de douceurs et de douleurs qui nous confrontent à notre finitude. Trouvera-t-on les ressources de confiance et d’espérance pour surmonter les nouveaux dangers mis au-devant de la scène par l’actualité ?

Rémi Droin, pasteur, Toulouse Ouverture – To7

 

Assumer la fragilité de la vie

Nous voudrions tourner la page de la pandémie covid 19 ramenée à une épidémie saisonnière parmi d’autres, malgré sa razzia mondiale de morts. Comme au début, une question : saurons-nous assumer la fragilité de nos vies mortelles, rappelée par le psaume ? Notre demande de protection, notre phobie de la mort, ont été utiles pour trouver les vaccins et autres soins limitant les décès. Leurs obsessions ont parfois produit des privations abusives de liberté (par exemple en EHPAD) et des inquiétudes face à la banalisation de cette maladie à laquelle nous resterons exposés comme au paludisme, au VIH…
La mort ne peut qu’être différée ; elle fait partie intégrante de notre existence et ne devrait pas être exclue de nos considérations dans la lutte pour la vie. Jusqu’où sommes-nous intimement prêts à assumer notre risque vital afin de vivre sereinement avec ces épées de Damoclès au-dessus de nos têtes ? Choisissons de vivre sans nous réfugier dans une peur stérilisante de la mort ou une hyper-protection paralysante ! Et si la foi/confiance qui rend libre, nous y aidait ?

Pascal Hubscher, pasteur, responsable aumônerie sanitaire et médico-sociale de l’Uepal

 

Savoir être

La question du risque vital est prégnante pour les services et établissements chargés d’accompagner les plus fragiles, et notamment les EHPAD et services d’aide à domicile. Ces institutions offrent-elles les conditions requises pour que leurs salariés puissent assumer ce risque ? Au-delà des aspects budgétaire et financier, les différentes obligations réglementaires offrent aux institutions une solution purement technique, en s’appuyant sur la mise en place de protocoles rassurants qui privilégient des savoir-faire normés et sans âme au détriment de savoir-être empreints d’humanité. Les premiers risquent fort de devenir maltraitants s’ils ne sont accompagnés des seconds. Les professionnels de terrain doivent respecter les protocoles mais ne jamais oublier les émotions (distanciées) qui donnent une âme à leurs pratiques.
En instaurant cette dynamique dans leurs obligations contractuelles, et dans une démarche participative en toute transparence avec les personnes concernées (aidées, aidants), les institutions pourront assumer le risque vital en proposant un accompagnement serein et de qualité. Celles qui ont choisi de mettre en avant productivité, technicité et organisations ultra-protocolaires font – hélas – de bien tristes unes.

Bruno Acclément, directeur de l’EHPAD Darcy-Brun à Étaules (17)

 

Des mots pour prier

Seigneur,
Il est légitime de refuser la mort. La nôtre, celle de ceux que nous aimons, celle qui hante nos écrans.
Aide-nous à transformer ce rejet en puissance au service de la vie de tous et de chacun.
Éloigne de nous la peur, qui nous paralyse et nous conduit à nous enfermer dans de fausses sécurités.
Tu nous enseignes que la mort n’est qu’un passage.
Guide-nous sur le chemin, entre la conscience de notre fragilité et la confiance dans ton amour.
Viens au secours de notre incrédulité et accorde-nous ta paix.
Amen