Ces dernières semaines, la polémique enfle sur les réseaux sociaux. Deux professeurs de philosophie, Franklin Nyamsi, enseignant à Rouen, et René Chiche, à Marseille, ont été suspendus par le ministère de l’Éducation nationale au printemps, pour trois mois.  

Le ministère considère que ces enseignants ont porté « atteinte au devoir de réserve » des fonctionnaires, après avoir publié sur Twitter des critiques virulentes contre le gouvernement. Il leur reproche également de perturber « le bon fonctionnement du service public ». 

Le journal Le Monde précise que le devoir de réserve oblige tous les fonctionnaires à faire preuve de retenue dans l’expression de leurs opinions, en dehors de l’exercice de leurs fonctions. Ils peuvent en effet être identifiés comme agents publics quand ils prennent position.  

Une notion floue

Cette notion de devoir de réserve a été développée par la jurisprudence administrative à partir des années 1930, et un premier arrêt du Conseil d’État concernait les propos d’un employé du Génie à Tunis. Mais le devoir de réserve n’est pas inscrit dans la législation et la règlementation françaises, y compris dans les articles qui mentionnent la fonction publique.  

Selon Emmanuel Aubin, professeur de droit public à l’université de Poitiers, interrogé par Le Monde, le devoir de réserve est une notion difficile à saisir. Elle contraint la forme de l’expression et non le fond. L’outrance, l’injure, ou le dénigrement du service public permettent de juger de l’emploi de cette notion. 

Dans le cas de Franklin Nyamsi – qui anime une chaîne YouTube où il dénonce la politique étrangère française en Afrique – une intersyndicale locale s’alarme de « l’extension démesurée » de cette notion. 

Le ministre de l’Education nationale s’exprime

Mais le ministre de l’Éducation nationale, Pap N’Diaye, n’est pas de cet avis.  Le Huffington Post indique qu’il s’est exprimé sur France 3, dans l’émission Dimanche en politique, en réaction à la polémique. « Nous garantissons le droit de libre expression, mais ce type de propos n’entre pas dans le droit de libre expression », affirme Pap N’Diaye, avant de déplorer des propos « outranciers, complotistes, injurieux ». 

Il cite ensuite une publication sur Twitter de René Chiche, professeur particulièrement suivi sur les réseaux, qui compare les députés ayant voté le pass vaccinal à « ceux qui votèrent le statut des juifs » en 1940. La députée Renaissance Aurore Bergé a depuis porté plainte contre ce tweet.  De son côté, l’Association des professeurs de philosophie de l’enseignement public (Appep) a publié un communiqué, vendredi 5 mai. Elle questionne « l’usage que pourront faire » les professeurs « de leur liberté d’expression sans risquer d’encourir une sanction administrative, y compris lorsqu’ils critiquent les politiques mises en œuvre par le gouvernement ».