Quel style de management pratiquez-vous ?

Le management participatif ! La mission d’un cadre, c’est de rendre possible l’action des autres, en s’appuyant sur leurs compétences. Nous essayons d’être attentifs à ce que les aspirations des professionnels convergent vers le but commun. Il y a bien sûr une grande part d’écoute, mais il faut aussi avoir des idées très claires sur ce que l’on peut proposer à l’intéressé : bien connaître ses marges de manœuvre.

Que faire en cas d’erreur de recrutement ?

Soyons honnêtes, les recruteurs ne sont pas infaillibles. Quand une incompatibilité apparaît, le manager doit clarifier ses attentes ou accompagner la personne concernée vers d’autres missions où ses collègues lui reconnaissent des savoir-faire ou savoir être.

Comment faites-vous pour manager dans une économie administrée ?

Nous avons effectivement moins de liberté de proposition qu’avant, puisque nous devons désormais répondre à des appels à projet. Les pouvoirs publics y définissent les besoins et les moyens. La chance de la Fondation John Bost, c’est qu’elle est soutenue par des donateurs protestants qui contribuent à hauteur de 7 % de son budget. Grâce à ces dons, la Fondation peut innover à ses frais. C’est ainsi, que nous avons proposé à des professionnels de la Fondation de se rendre en voyages d’étude dans d’autres établissements du réseau et à l’étranger, pour s’inspirer d’autres pratiques. Les innovations de la Fondation ont parfois été reprises par les pouvoirs publics qui ensuite les intègrent à leurs appels à projet, aux conférences de consensus, aux recommandations de bonnes pratiques.

Comment préservez-vous le bien-être au travail ?

La gestion des risques professionnels constitue une nouvelle préoccupation des managers. Les nouvelles générations ont des attentes très différentes vis-à-vis du travail et de leurs collègues, par rapport à leurs aînés : elles en attendent un épanouissement personnel. Pourtant la Bible porte deux représentations contradictoires du travail : celle du travail comme souffrance après la chute et celle du travail comme contribution à l’œuvre créatrice de Dieu. Le travail est d’après moi les deux à la fois ou alternativement. Les métiers passionnants sont très exigeants.

Des études récentes démontrent que la robotisation est destructrice d’emplois. Craignez-vous cette évolution ?

Les soins à la personne sont un secteur à forte main d’œuvre peu mécanisable. Toutefois, nous ne sommes pas à l’abri de cette évolution technologique, qui vise à remplacer des tâches, notamment de surveillance. C’est peut-être ma formation initiale en génie mécanique qui ne me fait pas craindre cette tendance. En fait, la réalité dépend de celui qui l’observe : un smartphone peut être un outil sécurisant pour une personne et considéré comme un outil de surveillance par son collègue. Plus que l’objet lui-même c’est l’utilisation qui en est faite qui rend l’outil utile ou aliénant.

Comment accompagner les équipes aux changements ?

En les rendant actrices du changement. La fondation est active en la matière. Les professionnels participent à des échanges d’analyse de pratiques, des semaines d’immersion dans d’autres établissements, ils accueillent de nombreux stagiaires qui les interpellent sur leurs modalités d’action et ils interviennent dans le Centre de formation de la Fondation à Bergerac. Ils sont ainsi très à jour. La Fondation a consacré 500 000 € pour des voyages d’études au Canada, en Finlande, Allemagne, Italie, Suède et Grande Bretagne afin que 150 professionnels (aides-soignants, infirmières, médecins, éducateurs spécialisés, logisticiens, administrateurs, cadres…) découvrent les accompagnements de personnes handicapées privilégiant l’inclusion sociale, les rapportent dans leurs équipes, les proposent et se les approprient. Si le changement est à l’initiative des professionnels, il sera porté et vécu différemment que s’il est mis en place et piloté par la hiérarchie. Il faut donner envie d’engager et de vivre le changement pour mieux répondre aux souhaits et aux attentes des personnes accompagnées. Les patients ou les résidents atteints de troubles psychiques ou en situation de handicap sont désireux de changement, il faut juste prendre le temps de l’expliquer, de l’adapter.

Qui sont les profils les plus difficiles à manager ?

À notre époque, dans le secteur du soin et de l’accompagnement, ceux qui ne savent pas ou refusent de travailler en équipe ou en mode projet. Les solitaires n’ont pas leur place car ils oublient que l’accompagnement et le soin d’une personne dépendante se vit dans une succession de présences professionnelles (8 personnes pour 24h/24, 365j/ an) qui nécessitent de la cohérence et de la continuité.