« Je viens d’une famille biennoise, mais avec un petit accent d’ailleurs », confie Rolf Schwab avec le sourire. Son père était originaire de La Neuveville, sa mère, d’Argovie : un mélange qui, dès l’enfance, lui a donné le goût du bilinguisme et de l’ouverture. « A la maison, on passait naturellement d’une langue à l’autre. C’était normal. » Son enfance, simple, mais marquante, l’a façonné. « Je n’ai pas pu aller au jardin d’enfants, faute de place. À l’époque, seul l’aîné y avait droit. C’est bête, mais ça m’a manqué. » Une petite frustration d’enfant timide, devenue avec le temps un moteur: celui de donner aux autres les chances qu’il n’a pas eues. Après un apprentissage de mécanicien de précision, il partage son temps entre travail, natation et vie de famille, avant de fonder une entreprise avec deux collègues.
L’engagement de Rolf Schwab ne naît pas dans l’Église, mais dans le monde professionnel. « Je me suis toujours battu pour offrir aux jeunes de bonnes places d’apprentissage », raconte-t-il. Cette exigence de justice et de transmission devient le fil rouge de sa vie. Il rejoint ensuite le GAD, une fondation œuvrant pour l’intégration sociale et professionnelle. « Là, j’ai découvert les gens en difficulté, ceux pour qui la vie bascule. » Fidèle à ses convictions, il s’en va lorsque sa « philosophie » ne correspond plus à la direction prise.
Il poursuit alors au Centre social protestant (CSP) Berne-Jura de Tramelan, où il contribue à renforcer la présence de l’institution à Bienne. « Quand je suis arrivé, en 2018, c’était tout petit. Le but était de le mettre sur un vrai pied. Et on y est arrivés. » À la retraite depuis trois ans, il demeure un pilier discret, « collaborateur indépendant », dit-il en riant, toujours disponible « quand il le faut ».
Frater Noël, la chaleur du 24 décembre
C’est autant par son engagement au CSP que par son rôle à Frater Noël, le «Noël des personnes seules», que Rolf Schwab s’est fait connaître à Bienne. Depuis 2009, il copréside cette célébration du 24 décembre qui réunit chaque année plusieurs centaines de convives dans la Maison Calvin. « L’an passé, nous étions environ 220. C’est un beau nombre : on a l’espace pour respirer, parler… et même danser. »
Fondé en 1973 à l’initiative de Radio Lausanne, Frater Noël a traversé les décennies. La pandémie a bousculé l’élan : deux éditions annulées et des repas livrés à domicile. « C’était terrible. Certains ne voulaient plus nous laisser partir tant ils étaient seuls. Ça m’a marqué. » Le 50e anniversaire a été l’occasion pour l’organisation de se réinventer : public plus familial incluant toujours les personnes âgées, crèche élargie, attention portée aux parents seuls et aux familles recomposées.
Rien n’est perdu, tout est partagé
A Frater Noël, tout concourt à la convivialité. Dès l’entrée, une musique d’accordéon accueille les invités et installe une atmosphère de fête. On partage d’abord un apéritif sans alcool, une entrée puis un repas chaud, préparé avec soin. Vient ensuite le moment attendu des desserts: celui concocté par l’équipe et celui, tout aussi précieux, offert par les boulangeries biennoises et des environs, glané parmi les invendus. Rien n’est perdu, tout est partagé, jusque dans ce symbole discret de solidarité locale.
En coulisses, une soixantaine de bénévoles s’affairent : le 23, on installe et on mange ensemble pour accueillir les nouveaux. Le 24, on sert, on écoute, on […]
