Il y a différents possibles
L’histoire contribue à former notre vision du monde. C’est dire l’importance des conceptions qui l’inspirent. Ainsi, quelle est la trajectoire de l’humanité ? Passons-nous de petites communautés plutôt égalitaires et conviviales à une société plus savante, plus riche, plus complexe, mais aussi plus inégalitaire et hiérarchisée ? Une violence humaine jugée congénitale ne peut-elle être maitrisée que par un ordre social imposé rigoureusement ? Ou bien, l’observation du passé humain, ne fait-il pas apparaitre une grande diversité de formes et d’organisations sociales qui témoignent d’une grande créativité ? Une nouvelle approche historique permet-elle d’écarter toute fatalité et d’envisager différents possibles ?
En voulant répondre à ces questions, un livre publié en 2021 sous le titre : « The dawn of everything. A new history of humanity », puis traduit et paru en français en 2023, sous le titre : « Au commencement était… Une nouvelle histoire de l’humanité » (1) est devenu un best-seller international. Ce livre a été le fruit d’un travail de longue haleine de deux chercheurs : David Graeber, anthropologue américain, un temps figure de proue du mouvement : « Occupy Wall Street », malencontreusement décédé en 2020, et David Wengrow, archéologue britannique, professeur d’archéologie comparée à Londres. Ce volume de plusieurs centaines de pages rassemble et réalise la synthèse des nombreuses recherches mises en œuvre durant les deux ou trois dernières décennies et tirant parti de nouveaux moyens techniques d’investigation.
A la mesure de son originalité, cet ouvrage a suscité un grand nombre de commentaires particulièrement dans le monde anglophone, tant dans la grande presse comme le Guardian (2) ou le Washington Post (3) que dans des publications à vocation d’étude et de recherche, commentaires où se manifestent différentes attitudes, de l’approbation et l’enthousiasme à une critique variée tant académique qu’idéologique. En France, internet nous donne accès à un article de La Croix (4) qui met bien en valeur l’originalité de ce livre : « Il n’y a pas une seule voie de civilisation qui condamnerait l’humanité à vivre dans les inégalités et une institution politique hiérarchisée. Mais mille manières de créer des systèmes de vivre-ensemble qui peuvent passer par des organisations horizontales souples et cependant sophistiquées. Avant nos villes modernes, existaient ainsi, dans différents endroits du globe, de la Mésopotamie à l’Amérique précolombienne, de vastes communautés aux relations complexes, qui ne se sont pas senties contraintes, pour subsister, de constituer un État central avec des classes distinctes ». Notre propos ici n’est pas de présenter un résumé d’un livre aussi volumineux, aussi riche et aussi ambitieux, mais seulement d’attirer l’attention sur la vision nouvelle qui nous est ainsi offerte. On notera à cet égard une interview de David Wengrow sur France Culture (5), une piste qui nous permet d’entrer dans l’esprit de cette recherche.
Histoire de l’humanité : faut-il revoir notre copie ?
« Histoire de l’humanité : faut-il revoir notre copie » ? C’est le titre donné par France Culture à un entretien avec David Wengrow (5), un titre […]