Sortir des idées reçues

Quelle surprise de lire dans Le Monde du 23 janvier 2023 une enquête sur le don en France où Nadine Bayle tord le cou aux idées reçues : les Français sont plus généreux qu’on ne le croit, même s’ils donnent de manière différente. De 2010 à 2021, le montant des dons déclarés au fisc a été multiplié par deux. Certains optimistes disent même que la philanthropie française est l’équivalent du budget d’un ministère.

Une culture du don

Mais les chiffres du fisc ne suffisent pas pour évaluer l’apport du don. Il y a aussi une question de culture. La France a un taux de prélèvement obligatoire parmi les plus élevés au monde. Dès lors qu’il a payé ses impôts, le Français peut estimer qu’il a assez contribué à la solidarité nationale et que c’est à l’État (au sens large) de redistribuer.

Ainsi de nombreuses associations locales ne peuvent vivre que grâce aux subventions données par la puissance publique (la mairie donne une subvention au club de foot local, à l’aide alimentaire et sociale de la ville, etc.).

C’est une manière de faire bien française qui comporte le risque de clientélisme et de sujétion de type « féodale ». D’autres pays ont une autre vision. 

Par exemple aux USA ou au Royaume-Uni, pays fortement marqués par la culture protestante, il est d’usage, et c’est un impératif social, que les « riches » dotent très généreusement des œuvres ou des fondations caritatives car le système social est peu ou pas pris en charge par l’État. Il y a aussi un vieux fond de calvinisme « puritain » : Dieu m’a favorisé alors je montre ma reconnaissance en donnant aux autres.

Ce que les pasteurs rappellent tous les dimanches au moment de la collecte : je donne à l’offrande non pas par culpabilité ou m’acheter une « bonne conscience » mais par reconnaissance envers les dons de Dieu. « Voix prêchant dans le désert ! », diront en chœur les trésoriers de paroisse.

20 % des dons pour les cultes !

Pourtant en regardant les chiffres de répartition du don, on voit que 20 % des dons vont aux cultes. Les trésoriers de paroisses ont plutôt un avis contraire.

Les trésoriers nationaux de l’EPUdF calment les craintes des synodes en répétant ce message « optimiste » : la moyenne du don des paroissiens sur la France est de 500 euros par an. Il y a moins de donateurs mais ils donnent plus ! Heureusement notre EPUdF pratique la mutualisation des moyens : les régions les plus riches soutiennent ainsi les plus pauvres et en déclin relatif.

Il n’est de richesse que d’hommes

Mais il n’y a pas que l’argent dans la vie. On commence de plus en plus à évaluer la valeur réelle du bénévolat : un certain nombre d’heures de bénévolat après un calcul savant donne tant d’équivalent d’emploi temps plein pour une association. Si le contribuable français donne moins en s’estimant pompé par les impôts, il participe d’une autre manière en donnant de son temps. Le bénévolat est aussi une forme de don qui attire les Français (plus de 70 000 bénévoles aux Restos du Cœur).

Un des défis pour l’avenir de notre « pauvrette Église » (Calvin) est d’avoir le courage et la volonté, sans fausse pudeur hypocrite, de parler du don, et de susciter le bénévolat. Il peut et il doit y avoir une formation au don et au bénévolat. Notre avenir en dépend.

L’apôtre Paul a toujours raison : « Que chacun donne comme il l’a résolu en son cœur, sans tristesse ni contrainte ; car Dieu aime celui qui donne avec joie. » (2 Corinthiens 9,7)