Me voilà enfin réquisitionnée depuis début mai, en tant que médecin vaccinateur dans un gymnase immense. Il y a 450 doses à administrer chaque demi-journée. Ambiance de ruche, chacun à son poste :

… employés inoccupés des administrations à l’accueil et l’enregistrement;

… bénévoles de la Croix Rouge ou de l’Ordre de Malte, scouts ainés, étudiants bénévoles s’affairant pour orienter avec gentillesse les candidats au vaccin;

… médecins recueillant informations, confidences et inquiétudes dans des petites tentes, paroles bienveillantes, rassurantes;

… infirmières utilisant leur temps disponible pour préparer les doses et les administrer.

Les vaccinés repartent certificat en main, et recommandations de prudence en prime! Bref, tout est bien orchestré techniquement mais le constat ne s’arrête pas là: «Il se passe quelque chose d’autre», une ambiance empreinte aussi de sérieux et de gravité, la conscience de participer à une victoire collective…

Verbatim:

«Je suis ému aux larmes, j’ai enfin l’impression d’un acte positif pour moi et la collectivité», m’assène un quinqua en s’asseyant avec ferveur devant mon bureau de consultation, exprimant ainsi que sa démarche dépasse infiniment un geste de protection personnelle ou même de ses proches… Un acte citoyen («une participation à l’effort collectif», me confie un autre) dont il se sent heureux et fier. Son enthousiasme est stimulant, mon impression de travail à la chaine prend une autre tournure…

«C’est formidable ce que vous faites!», me dit un autre avec reconnaissance, constatant mon allure de septuagénaire… Alors, oui, les vieux ne sont pas seulement des fardeaux, pesants, coûteux? Voilà qu’ils participent aussi à l’effort collectif en venant vacciner, écouter, conseiller… Et les retraités que nous sommes sont si heureux de reprendre du service, de ne plus se sentir inutiles, de contribuer doublement à l’immunité collective…

«Ça fait plaisir, l’engagement de tous ces jeunes», reconnait avec soulagement une soignante entre deux injections… «C’était super, cette séance ce matin», lance avec enthousiasme une nouvelle recrue. «C’est gratifiant!», ajoute une autre…

En ce temps de crise où règnent encore peur et méfiance, oui, décidément, le vaccinodrome pourrait bien être un premier lieu de reconstruction du collectif, tant la prise de conscience du besoin d’action utile, collective, bienveillante, intergénérationnelle, trans-catégorielle, s’exprime au long de ces vacations qui auraient pu être dénuées de tout intérêt.

Solidarité, fraternité, mais aussi, hélas, la constatation que […]