Aujourd’hui, sur une population mondiale de cent millions de migrants, la moitié sont des femmes. Les femmes ont toujours migré mais le mouvement s’amplifie. En France, le pourcentage de femmes migrantes est passé de 44 % au milieu des années 1970, à 52 % en 2020 1.

Plus de la moitié des femmes migrantes travaillent

Les femmes migrent pour aider leur famille restée au pays, assurer l’éducation des enfants dont elles ont dû se séparer. Mais elles sont nombreuses aussi à fuir pour échapper à la guerre, aux violences sexuelles, aux mariages forcés, aux crimes d’honneur, aux mutilations génitales et toutes sortes de violences de genre. Violences que, souvent, elles subissent aussi pendant le voyage. Face au verrouillage des frontières européennes, les migrants sans visa, femmes comprises, sont contraints de faire appel à des passeurs douteux et d’emprunter des routes de plus en plus dangereuses.

En France, plus de la moitié des femmes immigrées (58 %) travaillent 2 , généralement comme agents d’entretien ou aides à domicile. Parfois, elles sont caissières ou vendeuses, au mieux aides-soignantes 3 . Travailleuses de « la deuxième ligne », dans des métiers peu considérés, souvent à temps partiel, elles sont mal payées – et même pas déclarées lorsqu’elles n’ont pas de titre de séjour. Mais, sans emploi légal ni bulletin de salaire, il leur est presque impossible d’obtenir un titre de séjour, situation paradoxale et absurde qui en fait des clandestines.

Migrante et femme : la double peine

Les femmes immigrées sont indispensables à l’économie car, en libérant d’autres femmes des tâches domestiques, elles leur permettent de se consacrer à des emplois plus productifs. Plus encore, elles participent à l’économie mondiale par les flux financiers qu’elles génèrent vers leur pays. Par ailleurs, par les métiers qu’elles exercent, elles sont les agents d’une forme d’internationalisation du care Alors qu’elles sont doublement discriminées, à la fois comme migrantes et comme femmes, souvent traitées en indésirables, nous leur confions pourtant ce que nous avons de plus précieux : nos proches les plus vulnérables – enfants, personnes âgées, malades… – et nos maisons. Cette spécialisation des personnes, et plus spécialement des femmes migrantes, devrait nous conduire à réfléchir aux effets des politiques migratoires sur les destins individuels et modifier notre regard sur la migration.

Cette surreprésentation des femmes migrantes dans les « zones grises » du monde du travail ne doit pas masquer la présence de celles qui viennent en France pour étudier (14 %) ou sont diplômées de l’enseignement supérieur, dont le taux serait de 38 % (contre 35 % pour les femmes françaises4 ). En tant que femmes et immigrées, elles sont pénalisées sur le marché du travail et ont rarement accès aux métiers auxquels elles pourraient prétendre. Elles vivent douloureusement ce déclassement. Sans tenir la totalité de ces femmes pour victimes, tant la diversité de leurs trajectoires est grande, nous devrions toutes les considérer, les « envisager » comme aurait dit Levinas, avec un regard plein de respect et de bienveillance. Un regard d’humanité.

Micheline Bochet-Le Milon, bénévole à La Cimade

1 Insee, Femmes et Hommes, l’égalité en question, 2022 ; INED, « Les immigrées en France », Populations et Sociétés, no 502, juillet-août 2013.

2 Insee/INED, Trajectoires et Origines, 2011.