Dès le début de mes visites à la Centrale, j’ai pris l’habitude d’apporter des fleurs pour le culte. Coupées. Les détenus en étaient heureux, et découvraient parfois le nom de ces fleurs, cadeaux du Créateur. Ils repartaient chacun avec une tige, et étaient heureux dans la semaine de me montrer les trésors d’ingéniosité qu’ils avaient développé pour conserver le plus longtemps possible cette salutation de la nature.
Je me souviens surtout du dimanche où un détenu, en toute sérénité, a « embarqué » sous mon nez quasiment toute la gerbe de fleurs. Je lui en ai fait discrètement la remarque. Il parlait un français approximatif et m’a souri en répétant « Merci, merci, merci ». J’insistais un peu. Il compléta sa réponse : « Merci, moi donner à ceux pas venus aujourd’hui, merci, merci. » Depuis ce jour, j’ai apporté un peu plus de fleurs à chaque culte… Temps de partage au-delà du culte !
Ce 19 juillet, le thermomètre indique 39°, je gravis les 5 étages. Au fur et mesure de la montée, la chaleur devient de plus en plus suffocante. Le béton garde bien la chaleur et les petites fenêtres des cellules ne suffisent pas pour laisser entrer un petit courant d’air si ce n’est lorsque j’ouvre la porte. Je suis donc toujours le bienvenu ! D’autant que durant la période estivale il n’y a que très peu d’occasions de sortir : école, formation, activités diverses sont à l’arrêt. Il ne reste que la promenade et le travail pour ceux qui en ont. Dans cette situation, le moral n’est pas au beau fixe, 22 h sur 24 enfermé sous une chaleur étouffante. Certains, sont sans force, apathiques ne se plaignant de rien, contents que je vienne ouvrir cette porte qui laisse passer un peu d’air « Restez encore un peu, ça fait du bien cette porte ouverte ». D’autres, « Pêtent un câble » hurlent à travers la fenêtre, insultent la terre entière, tapent dans la porte pendant de longues minutes.
J’arrive chez Paul qui vient de rentrer du travail. Le samedi précédent, à la fin du groupe de partage, il m’avait demandé une feuille de chants pour la semaine. « Aujourd’hui durant le travail, avec Joël nous avons chanté tous les chants que nous aimons bien. Les détenus autour de nous étaient étonnés mais ils ont trouvé ça sympa. D’ailleurs, on trouve que le chant « Tu es la plus belle des chansons d’amour» est trop court alors je suis en train de rajouter quelques strophes sur ce que Jésus a fait. Je te les montre mardi prochain ».
Enfin de l’air frais ! Cette journée écrasante de chaleur, de récrimination, de mal-être, de sinistrose a été éclairée dans les ateliers et pour moi par deux détenus chantant l’amour de Dieu.