Si la société Suisse dans son ensemble est de moins en moins religieuse, ce n’est pas parce que les gens perdent leur religiosité au cours de leur vie, mais plutôt parce que chaque génération est moins croyante et pratiquante que la précédente. C’est la conclusion d’un article publié en 2021 par les deux sociologues de l’université de Lausanne.

Vous avez mis en lumière le fait que la transmission de valeurs religieuses se faisait mal d’une génération à l’autre. Depuis, d’autres études ont-elles pu éclairer ce phénomène ?

Jörg Stolz : Effectivement, de nombreux chercheurs essaient de creuser cette question. Avec d’autres chercheurs, je viens de terminer un papier sur l’Allemagne. Nous essayons d’exploiter des données longitudinales (qui suivent une même population dans le temps, ndlr.) sur différentes cohortes pour essayer de trouver un ou plusieurs facteurs qui influenceraient le fait de transmettre plus ou moins sa religion. Le résultat est qu’on ne trouve rien. Toute l’Allemagne de l’Ouest vit une transition séculière qui se fait partout au même rythme. Il n’y a même pas de différence entre zones urbaines et rurales ou entre les personnes ayant atteint des niveaux d’éducations différents. L’érosion de la transmission religieuse apparaît ainsi comme une norme de société qui se répand, une culture qui se modifie.

Les sociologues se posent aussi la question suivante « s’il y a moins de transmission, est-ce que c’est parce que les parents n’y arrivent pas ou ne veulent plus ? Ou bien est-ce parce que les enfants ne veulent pas ou ont d’autres choses à faire ? Ou est-ce un peu des deux ? » Là aussi, nous sommes vraiment au début des investigations. Alors que les parents ont souvent été tenus pour responsables de la faiblesse de la transmission religieuse, il est possible que les enfants soient également influencés par leur environnement et refusent simplement de suivre les traditions religieuses de leurs parents.

Les minorités religieuses semblent parvenir à mieux transmettre leur foi.

Jeremy Senn : Si l’on prend l’indicateur d’appartenance formelle déclarée en Suisse, les communautés musulmanes sont en augmentation depuis les années 1980. Mais on peut aussi mettre cela en lien avec des phénomènes de migration.

Jörg Stolz : En revanche, sur la question spécifique de la transmission, on n’a pas vraiment de données. Quelques études essaient de poser des questions rétrospectives, mais cette manière de faire ne donne généralement pas de données fiables. Mais c’est vrai que […]