« Le projet était dans les tiroirs depuis cinq ans lorsque nous avons ouvert notre centre d’accueil d’urgence. Plus exactement, nous avons déplacé le centre que nous avions installé en 2009 dans les locaux d’un CFA1 pour offrir un accueil d’urgence hivernal. En 2012, nous avions obtenu l’agrément d’exploitation permanente mais les locaux, impropres et inadaptés, offraient de très mauvaises conditions d’accueil et de travail.

La mixité sociale est un défi

La Benauge, à Bordeaux, est un nouveau quartier en pleine expansion, avec des immeubles d’habitation, en location ou accession à la propriété, des bureaux, des commerces, des jardins… Nous avons voulu relever le défi de la mixité sociale avec nos partenaires institutionnels 2 et Clairsienne, entreprise sociale pour l’habitat, qui a piloté le projet. Un projet ambitieux puisque, adossé au CAU de quatre-vingt-huit places, nous avons seize places en lits halte soins santé pour les personnes de la rue qui ont été hospitalisées à l’occasion d’une pathologie aiguë et ont besoin d’une prise en charge médico-sociale. Le dispositif relève de l’ARS3 et emploie neuf salariés, médecins, infirmières, etc. Ils sont quinze du côté du CAU. Nous avons eu le privilège de construire une structure dont l’architecture correspond à nos besoins et propose des conditions d’accueil et de vie adaptées au public reçu. Ici, les personnes sont hébergées en chambres doubles équipées de sanitaires et bénéficient d’un service de restauration ; elles peuvent se poser, se reposer, se requinquer. Parmi elles, 70 % arrivent de pays hors CEE et 30 % du territoire. Elles peuvent rester deux mois. Deux mois, c’est court pour les reconnecter avec les services sociaux, alors nous négocions avec l’État pour augmenter la durée du séjour dès lors qu’il y a un projet de sortie adapté.

Vivre ensemble, une responsabilité citoyenne

Ce CAU est un peu un exploit. Au départ, on voulait nous mettre à l’écart, en périphérie. Finalement, et c’est aussi l’originalité du programme, nous sommes au cœur du quartier, au centre d’un immeuble d’habitations, sur quatre étages. Chacun a son entrée mais nous partageons l’immeuble, les terrasses, la rue, la cité, avec nos voisins.

Le quartier est en construction. La cohabitation démarre doucement. Les gens que nous accueillons arrivent vers 16 heures et repartent à 9 heures ; bientôt, ils devront côtoyer des écoliers, les promeneurs des jardins publics, les clients des magasins… Nous continuons à travailler avec eux une fois qu’ils ont quitté le centre. Nous essayons d’anticiper nos réactions quand une personne hébergée s’installera entre les poussettes et le bac à sable du jardin public ! Le quartier n’existant pas encore vraiment, nous n’avons pas rencontré d’opposition. Mais ça pourrait arriver. Il faut que les uns et les autres apprennent à vivre ensemble. C’est notre responsabilité citoyenne. L’inclusion sociale est un de nos défis. Nous voulons démontrer que cette opération est viable, reconductible, modélisable, casser certains préjugés. C’est une volonté qui correspond aux valeurs du Diaconat et que partagent nos financeurs. Il est un peu tôt pour faire un bilan mais nous sommes optimistes. Nous espérons associer les riverains dans un engagement bénévole à nos côtés. »

1 Centre de formation d’apprentis

2 L’État, le Département, la Région et la mairie de Bordeaux

3 Agence régionale de santé