«S’il s’en trouve parmi vous qui pensent qu’ils sont envoyés pour « évangéliser » les prisonniers et non pour les soulager, pour remédier à leurs besoins spirituels et non aux temporels, je réponds que nous devons les assister en toutes manières: faire cela, c’est évangéliser et c’est cela le plus juste… » Vincent de Paul (1581-1660)
Le ministère d’un aumônier, c’est de permettre que s’accomplisse, autant que faire se peut, un parcours de réconciliation. Réconciliation du détenu avec lui-même tant la culpabilité par rapport à l’acte commis et au préjudice subi par la victime peut l’emporter, jusqu’à l’idée de ne pas poursuivre la route de la vie. Réconciliation avec une société dont il a souvent fait l’expérience douloureuse de la violence, du rejet et du jugement. Réconciliation avec Dieu dont il a pu attribuer la responsabilité d’en être là où il en est.
Ce chemin de réconciliation nécessite écoute, restauration de la dignité, et ouvre à l’espérance.
Les aumôniers s’attachent à rentrer dans la confiance de la personne visitée et procèdent à un travail d’accompagnement où Dieu est présent. L’aumônier se doit d’écouter, de comprendre, de soutenir et de réconforter, et se garder de tout jugement personnel. L’aumônier est toujours un ami, parfois un frère ou une sœur car beaucoup de détenus sont abandonnés par leurs proches.
Par le regard de l’aumônier, les détenus retrouvent une forme de dignité, et ce regard peut les conduire à une véritable considération de la victime, à un regard sur soi, à une volonté de repartir du bon pied.
« Je commence à me pardonner à moi-même » confie Ludovic[1] après de longs mois d’entretiens.
« Je voudrais faire quelque chose de bien avant de mourir » dit Michel, très malade et très fatigué.
« J’aimerais mieux connaître la bible dont vous parlez tout le temps » exprime Jean-Pierre.
Que d’inquiétude pour la famille, d’angoisses, de regrets chez les personnes détenues, de silences lourds mais aussi de témoignages, de sourires et d’espérance. Chaque visite est un temps fort même dans l’ordinaire d’une conversation ou dans l’aide à un courrier. Elle se termine quelquefois par un temps de prière et par un « reste encore un peu », qui en dit long sur la solitude intérieure vécue au quotidien par les détenus.
Nous sommes ici pour allumer une petite lumière, une lumière d’espérance. Le reste est dans les mains de Dieu. Il faut rester très humble dans cette mission : nous ne sommes qu’un instrument de la volonté́ de Dieu et nous n’avons pas la culture du résultat en ce qui les concerne. Par contre, nous prenons conscience qu’en chaque être humain il y a de la beauté et qu’elle se manifeste dans les partages en confiance que nous avons avec eux.
Nous pouvons témoigner que cette mission nous fait rencontrer le Christ en prison. Elle nous fait grandir dans la foi et nous apporte beaucoup de joie car elle donne un autre sens à notre vie.
Quelle joie de rencontrer l’autre, d’accompagner un détenu au baptême, quelle joie de réconforter une personne déprimée ou suicidaire, quelle joie de lui dire qu’elle est aimée de Dieu et qu’elle ne se réduit pas à son acte, quelle joie de lui dire la Bonne Nouvelle par de petites choses.
Y a-t-il une spécificité de l’aumônerie protestante ? Avec les autres aumôneries chrétiennes elle veut annoncer un recommencement toujours possible à chacun, grâce au pardon offert et à l’amour inconditionnel de Dieu. Par le partage biblique, le culte, les visites individuelles, l’Évangile est ainsi apporté, dans la liberté laissée à chacun de le recevoir comme une nouvelle bonne pour sa vie. L’aumônerie protestante s’efforce de collaborer en bonne intelligence avec les autres cultes, et est attentive à maintenir un lien de collaboration dans la confiance avec l’administration pénitentiaire. S’il existe une spécificité de notre aumônerie, c’est dans une parole partagée largement avec les détenus, et entre aumôniers, issus d’Églises protestantes et évangéliques différentes.
Florence Vitaux, aumônier au centre pénitentiaire de Riom (Puy-de-Dôme)
[1] Les prénoms ont été volontairement changés.