Quand on parle de femmes victimes de violences, la conscience collective se représente les femmes battues. Bien au-delà des violences physiques, ce terme englobe les violences verbales, psychologiques, administratives, financières. Chaque situation est unique, procède d’un contexte particulier, et les femmes ne vivent pas toutes les mêmes violences. Nous saluons aujourd’hui les efforts du personnel de gendarmerie, du service des urgences hospitalières et des centres sociaux pour mettre en lumière, reconnaître et dénoncer les violences faites aux femmes.

Des femmes brisées

La ferme Claris, lieu d’accueil à petite échelle des femmes victimes de violence, se situe à la croisée des chemins : entre chaos du passé et promesse d’un avenir meilleur, entre tumulte et sérénité, entre colère et apaisement, entre dénigrement et confiance en soi, entre désarroi et reconstruction. Les femmes accueillies sont des femmes brisées, certaines en état de choc post-traumatique. Elles ont perdu toute estime d’elles-mêmes et vivent dans la peur, la honte et la culpabilité. La peur d’un conjoint violent, la culpabilité d’être la cause d’un échec et la honte de ne pas être à la hauteur des attentes de la société. Cette honte est peut-être plus forte encore quand ces femmes sont des migrantes : le poids des traditions, l’espoir d’un eldorado, porté par toute la communauté restée au pays, et la stigmatisation les empêchent souvent de demander de l’aide.

Quelles qu’elles soient, ces femmes se retrouvent isolées, démunies et piégées dans une situation qu’elles n’ont jamais désirée, aux prises avec des sentiments complexes et contradictoires, des traumatismes profonds que nous prenons soin d’accueillir. Dans ces situations qui nous semblent parfois sans issue, nous aimons suivre l’exemple de Jésus qui porte et soutient le possible renouveau, procure avec douceur l’espérance qui permet d’aller plus loin, plus haut.

Un lieu de pardon et de liberté

Derrière chacune de ces femmes se cache une histoire pleine de rêves, de désirs de bonheur et d’images de « famille parfaite ». La souffrance exprimée parle souvent d’échec, de dévalorisation, d’incompétence, mais si l’on entend au-delà des mots/maux, il est possible de remettre en lumière les qualités, les capacités et les aspirations de chacune.

À la ferme Claris, nous proposons aux mamans et à leurs enfants un lieu à vivre, un lieu où il fait bon vivre, un lieu de partage et de solidarité, un lieu de pardon (à soi-même dans un premier temps) et de liberté (celle qui nous fait grandir), un lieu pour apprendre la sécurité et le respect. C’est à travers une écoute inconditionnelle et un soutien individualisé (en mobilisant les instances juridiques, administratives, sociales et médicales) que chacune peut (re)construire son projet de vie, renforcer son estime d’elle-même et (re)découvrir ses compétences de femme et de mère. La résilience, propre à chaque personne, lui permet de rebondir et de se réinventer.

Au-delà du travail social que nous faisons en équipe, nous aimons laisser à chaque femme le souvenir de cet autre regard qui a été un jour posé sur elle et l’espoir qu’un nouveau départ est toujours possible.