Leur Brocante verte attire les âmes solidaires et les sensibilités écolos.

Promouvoir l’insertion sociale et professionnelle de personnes sans domicile fixe en concevant une ressourcerie de végétaux, il fallait y penser. « On avait envie de créer une structure d’insertion qui s’adaptait vraiment aux besoins de ce public. On a cherché une activité plus valorisante que le ménage et qui pourrait aussi changer le regard des gens », explique Aude Couturier. Aude Couturier et Solène Mahé sont coordinatrices de projet ; elles ont travaillé trois ans en Asie, et autant à Paris auprès de SDF. Elles sont passionnées par les plantes et militent pour l’anti-gaspillage végétal. Nantes est dans un bassin horticole. Elles découvrent que les grosses pépinières jettent plusieurs milliers de plantes par an, le coût du rempotage étant prohibitif. Côté jardinerie, on balance aussi, quand l’esthétique n’est plus au rendez-vous. Après plusieurs stages en horticulture, les deux jeunes femmes se lancent.

Une reprise du travail en douceur

Avec la Brocante verte, Aude et Solène font d’une pierre deux coups : elles collectent les plantes défraîchies dans les pépinières, jardineries et cimetières 1 , pour leur donner une seconde vie, et offrent un accompagnement social et professionnel à des personnes à la rue, en hébergement d’urgence, en situation d’addiction, ou migrantes en fin de droits. « Notre objectif est de leur permettre de reprendre le chemin du travail en douceur et d’avoir un emploi durable, précise Aude Couturier, nous cherchons des entreprises qui adhèrent à notre démarche et acceptent de faire confiance à des personnes qui ont un trou dans leur CV, n’ont pas travaillé depuis longtemps et n’ont pas forcément les codes. » Les salariés de la Brocante verte sont en contrat d’insertion. Leurs employeuses ont obtenu une dérogation, « parce que vingt heures par semaine, c’est beaucoup trop pour quelqu’un qui a eu un parcours de rue ou est très éloigné de l’emploi ». Le principe s’apparente au dispositif Premières Heures 2 , les personnes commencent par six heures hebdomadaires. Tous les mois, trois heures supplémentaires peuvent être proposées, « c’est au cas par cas : un salarié est déjà à vingt heures, un autre est encore à six heures ».

Quarante-deux tonnes de végétaux sauvées

Dans un tiers lieu dédié au réemploi et à la solidarité, à quelques coups de pédales (de vélo-cargo) du centre-ville, cinq salariés en contrat d’insertion et deux jeunes en service civique taillent, désherbent, arrosent, rempotent, traitent – si nécessaire – et étiquettent. En un an, quarante-deux tonnes de végétaux sont passées entre leurs mains toujours plus expertes. Une serre chauffée à seize degrés accueille les variétés d’intérieur. Les plantes se refont une santé, et les salariés aussi. En face, dans la petite boutique, les clients affluent. Les habitués du tiers lieu mais aussi les passants attirés par les jolies carrioles végétales installées sur le trottoir… et les prix. Ici, les plantes sont très bon marché. Et si elles ne sont pas forcément fleuries, personne ne s’en soucie. Ce sera la surprise dans quelques mois…

« Ça me fait du bien de mettre les mains dans la terre, ça m’apaise. J’aime beaucoup aussi faire des macramés ou des créations en fleurs séchées, j’en fais même chez moi le week-end. J’ai envie de trouver du travail en pépinière ou en maraîchage après la Brocante verte. » A., en contrat d’insertion à la Brocante verte

1 Des bacs sont à disposition dans les cimetières nantais pour récupérer les plantes défleuries, pots et cache-pots dont les usagers souhaitent se débarrasser.

2 Le programme Premières Heures est un dispositif de remobilisation par l’emploi des publics en situation de grande précarité. Il s’adosse aux chantiers d’insertion et permet une reprise très progressive de l’emploi.