Jean-Luc Gadreau : Nous allons aborder ce matin une question difficile – douloureuse, même – qui est revenue dans l’actualité récemment: la prise en charge de la fin de vie. Nous en parlerons ce matin avec Sophie Crozier, neurologue à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris et membre du CCNE, le Comité consultatif national d’éthique. Avec nous également, un pasteur, Christophe Jacon, qui exerce dans la paroisse de l’Église protestante unie à Périgueux et qui est membre de la commission Éthique et société de la Fédération protestante de France.

Dans la récente actualité est apparu cet avis 139 du CCNE (1) qui propose de renforcer dans un premier temps les mesures de santé publique dans le domaine des soins palliatifs mais qui prend aussi acte des limites de la loi Claeys-Leonetti estimant qu’il existe une voie pour une application éthique de l’aide active à mourir sous strictes conditions. Ce texte marque une rupture inédite avec les précédents avis du Comité qui, jusqu’ici, s’était toujours opposé à toute aide active à mourir. Précisons toutefois que 8 des 45 membres du Comité ont exprimé une réserve quant à une éventuelle évolution législative sur la fin de vie. Sophie Crozier, j’ai résumé en deux-trois phrases un document qui contient 63 pages! Peut-être pouvez-vous nous dire, pour commencer, ce qui vous semble important à retenir de cet avis?

« Pour les soignants, c’est peu compatible avec les valeurs du soin »

Sophie Crozier : Je dirais qu’il y a deux grands axes dans cet avis: d’une part des constats et d’autre part des recommandations. Les constats, ce sont principalement ceux d’une insuffisance de la connaissance, de l’application et de l’évaluation des deux dispositifs législatifs en vigueur actuellement que sont la loi de 2005 dite loi Leonetti et la loi de 2016, deux lois sur le droit des patients et sur la fin de vie. Ces deux lois ont ouvert des droits et des devoirs pour les professionnels de santé afin de mieux accompagner les situations de fin de vie. Le deuxième constat, qui est aussi partagé par l’ensemble des membres du Comité consultatif national d’éthique, c’est qu’il y a une insuffisance d’accès aux soins palliatifs avec un manque de moyens en personnel, en lits, un manque de formation et de démarche de culture palliative dans nos activités soignantes. Ça, c’est un élément très important. Le troisième constat est que certaines situations, notamment de demandes de mort ne trouveraient pas de réponse dans les lois actuelles. Ces trois constats aboutissent à des recommandations qui sont, d’une part (c’était attendu) une intensification des […]