Dès le lever du soleil, nous prenons la route pour le temple-mémorial de Château-Thierry où nous attendent Christiane et Bernard Guttinger, président de l’association des Amis du temple. Ce temple est situé en plein centre de la ville historique à proximité immédiate de l’hôtel de ville.
Seul monument commémoratif de ce type existant en France, ce bâtiment très particulier a été édifié en 1924 par l’Église réformée américaine à la mémoire des soldats tombés sur le sol français lors de la Première Guerre mondiale. Nous entrons par une tour-clocher au portail orné d’un tympan sculpté représentant un ange de paix étendant ses mains sur les têtes d’un soldat américain et d’un soldat français. À l’intérieur, le plafond de la nef est couvert par un lambris en carène de vaisseau et le mobilier est de style néo-gothique. Élevé à l’époque Art déco, ce temple est doté de magnifiques vitraux qui viennent tout juste d’être restaurés. Au revers de la façade, au-dessus de l’orgue, une composition de trois grands vitraux présente une scène volontairement anachronique: le général Lafayette accueillant le général Pershing et ses troupes sur le sol français en 1917 entouré des généraux Foch, Joffre, Nivelle et Pétain.
Les vitraux du chœur évoquent l’arbre de vie et la Cène, avec le pain et le vin, les neuf vitraux de la nef sont divisés en trois registres. Dans la partie inférieure, des médaillons représentent les figures de protagonistes de la Réforme et dans la partie haute des symboles de la Réforme. La partie médiane offre une transposition des gravures d’Eugène Burnand illustrant les paraboles. Le semeur est associé à Jean Hus, pré-réformateur tchèque ; le bon samaritain à Jean Calvin ; l’enfant prodigue à Lefèvre d’Étaples, premier traducteur de la Bible en français à l’origine de la réforme à Meaux ; le cep et le sarment à Guillaume Farel ; l’Amiral Coligny est associé à la maison sur le roc et à la croix huguenote. Sont aussi évoqués Théodore de Bèze, Pierre Valdo à l’origine de l’Église vaudoise, le Suisse Ulrich Zwingli et l’Écossais John Knox. C’est un beau lieu mémorial qui s’inscrit dans un esprit de foi et de paix.
Un parcours pédagogique
Après un repas tiré des sacs dans les locaux paroissiaux en compagnie de nos hôtes, nous partons pour le château de Blérancourt, construit au XVIIe par l’architecte français Salomon de Brosse. Il abrite le musée franco-américain fondé en 1924 par l’Américaine Anne Morgan, personnalité hors du commun engagée sur le front humanitaire lors de la Première Guerre mondiale. Ce musée a rouvert après travaux en 2017. Ses collections rendent compte de la richesse et de l’ancienneté des relations entre la France et les États-Unis du point de vue historique, culturel et artistique, du XVIIe siècle à nos jours. Elles se déploient autour de trois thématiques que sont les Idéaux des Lumières à l’origine des premières alliances entre les deux nations, les Épreuves pendant lesquelles la France et l’Amérique ont combattu côte à côte et les Arts.
Le parcours est très pédagogique et les œuvres très belles sont bien mises en valeur. Notre étape suivante nous fait rejoindre Noyon, ville épiscopale qui a été, jusqu’à la Révolution française, un haut lieu culturel et spirituel, Charlemagne et Hugues Capet s’y sont fait couronner. Nous parcourons le quartier ancien et visitons la cathédrale Notre-Dame et son cloître. Elle compte parmi les œuvres majeures de la première architecture gothique. Jean Calvin est né à Noyon
« Les vitraux du chœur évoquent l’arbre de vie et la Cène, avec le pain et le vin »
en 1509, sa maison natale (une jolie maison à colombages reconstituée au XXe siècle) abrite le musée Calvin que nous fait visiter sa directrice Cécile Pétigny accompagnée de Jean-Baptiste Gérard, président des Amis du musée. Ce musée est consacré à l’histoire de la diffusion de la Réforme de langue française, à la personnalité du réformateur et à l’influence de son œuvre aux XVIe et XVIIe siècles. Out re une impor ta nte bibliothèque d’ouvrages originaux (Bible d’Olivétan de 1535, édition originale de l’Institution de la religion chrétienne de 1536, Commentaires, etc.), ce musée détient plusieurs portraits peints et scènes de la vie politique et religieuse au XVIe siècle (notamment le Colloque de Poissy), des portraits gravés de Jean Calvin et quelques autres réformateurs. À côté de documents (tels que les fameux Placards de 1534), de cartes anciennes, de médailles et de méreaux, on trouve des pièces de mobilier comme une chaire du désert, des coffres du XVIe siècle ou une copie de la « chaise magistrale » de Calvin..
Un symbole historique du Réveil
Pour notre dernière étape, nous traversons les paysages vallonnés de l’Aisne pour aller en Thiérache au temple-musée de Lemé. Là, nous sommes accueillis et guidés par le pasteur Pau l Lien ha rdt, vice-président des Amis du musée, qui a conçu une grande partie de l’exposition. Au début du XVIe siècle, les idées de la Réforme se répandent dans ces campagnes grâce à des ouvriers saisonniers partis faire les récoltes en Brie. Ils y rencontrent les « Bibliens » de Meaux, et dès 1525 reviennent en Thiérache avec la foi évangélique et constituent les premières communautés.
Ce temple en brique est Cap au large 9 typique des édifices protestants construits au XIXe , c’est aussi un symbole historique du Réveil protestant du Nord de la France incarné par des pasteurs comme Colani à l’origine de conversions et de la création d’œuvres sociales telles l’Asile évangélique de Lemé Notre Maison, orphelinat qui accueillit et éduqua près de 2000 enfants de 1853 à 1974. Le XIXe voit aussi l’engagement des premiers missionnaires protestants, originaires de l’Aisne partis pour le sud de l’Afrique. Dans les tribunes latérales soutenues par des colonnes de chêne, nous découvrons à travers des grav ures anciennes une très riche exposition permanente consacrée à l’histoire du protestantisme en Thiérache, en France et en Europe.
La première partie va de l’Humanisme à la Réforme avec la présentation des princes de la Renaissance et des pères fondateurs de la Réforme autour de Luther et Calvin. La deuxième partie voit la période des guerres de religion dans lesquelles sombre la France puis l’œuvre pacificatrice du roi Henri IV jusqu’à l’Edit de Nantes et la paix de Vervins en 1598. La troisième partie conduit du climat d’intolérance sous le régime de l’Édit de Nantes jusqu’à la Révocation de l’Édit de Nantes en 1685 à la clandestinité. Cette exposition se termine à l’aube de la liberté avec la figure de Paul RabautSaint Étienne au début de la Révolution française.