Évoquer ce centenaire ne peut s’envisager sans faire mémoire de ces femmes, de ces hommes et de ces enfants, réfugiés arméniens, fuyant les affres du massacre génocidaire, arrivant en 1924 à Marseille, pauvres de tout et riches de leur foi. Accueillis et soutenus, notamment grâce à l’Action Chrétienne en Orient et à son directeur, Paul Berron, ils ont travaillé pour reprendre le fil de leurs existences brisées, fonder une Église et transmettre leur foi et leur culture. Plus, ils ont œuvré pour s’intégrer et servir le pays qui les accueille, à l’instar de Missak et Mélinée Manouchian, qui sans jamais obtenir la citoyenneté française, viennent de recevoir l’expression de la patrie reconnaissante.

On ne saurait réduire l’histoire arménienne à celle d’une mémoire blessée, d’un exil ou d’une dispersion ! Et pourtant, c’est précisément la remarquable faculté de résilience de ce petit peuple du Caucase qui illustre plus que tout autre chose son état d’esprit. Une persévérance qui lui a permis d’affronter les vicissitudes des temps et de la dispersion tout en gardant vive la conscience de son identité et de sa culture.

Remontant à l’aube de l’humanité, les Arméniens continuent d’écrire leur histoire, et dans le même mouvement, participent à l’écriture de la nôtre. En effet, les Arméniens ont apporté une contribution inestimable à la vie culturelle, économique et sociale française.

Leur héritage se reflète dans les arts, la cuisine, les affaires et bien d’autres domaines, tissant ainsi des liens indissolubles entre les deux nations. De même, l’Église évangélique arménienne en France, membre de la Fédération protestante de France, vient en effet, lors du son récent synode du centenaire, d’ouvrir à une très large majorité le ministère pastoral aux femmes !

Aujourd’hui plus que jamais, l’Arménie, cette petite enclave sise au milieu d’états autoritaires, vit sous la menace. Confrontée aux volontés hégémoniques de ses voisins, l’Arménie a besoin d’alliés à même de garantir sa pérennité. Le conflit armé d’automne 2020, perdu face aux Azéris, tout comme le nettoyage ethnique de la République d’Artsakh avec l’exil de 120000 Arméniens en septembre 2023, illustrent combien le destin de ce petit pays peine à peser au regard des enjeux géopolitiques globaux.

Le présent numéro du Levant est dédié à l’Arménie et à la communauté arménienne en France. Il vous propose d’explorer quelques facettes de cette histoire des Arméniens, si riche en tradition et en résilience. Au fil des pages il vous permet de mieux comprendre l’état d’esprit qui les anime et de mieux cerner les enjeux géopolitiques qu’il leur faut affronter. Bonne lecture.

Pasteur Christian Krieger, président de la Fédération protestante de France