Comment est-on appelé ?

Pour répondre à cette question très générale qui se pose sans doute pour tous les ministères, je partirais de mon chemin de mission et de vie. Dans ma vie de pasteure, il y a deux périodes bien distinctes l’une de l’autre, sans qu’elles soient pour autant déconnectées.

Pendant onze années, j’ai été pasteure de l’Église réformée de France dans le cadre d’Églises locales en Nord-Normandie puis dans le Nord de la France. J’ai eu, comme on dit, un ministère « classique » où j’ai appris à être femme pasteure. Cela fait aujourd’hui dix-sept ans que je suis devenue aumônier, ministre du culte dans le cadre de la fonction publique hospitalière, un métier bien répertorié dans le monde de l’hôpital par la loi et qui est aussi reconnu comme un ministère spécialisé de l’Église.

Comment suis-je passée d’un cadre à l’autre ?

Vous ne serez sûrement pas étonnés d’apprendre que ce déplacement « intérieur » a été rendu possible grâce à une pause, un congé parental d’éducation de cinq ans suite à la naissance de mon quatrième garçon. C’est dans ce temps différent que j’ai pu faire une relecture de cette première tranche de ministère et prendre conscience de ma dominante pastorale : l’écoute et l’accompagnement.

Découverte

Disponible intérieurement, je me suis aventurée hors des murs de notre Église. Je suis devenue visiteuse bénévole dans le cadre d’une association de soins palliatifs (ASP), avec une certaine appréhension au départ car j’allais vers une terre inconnue, comme Abraham, répondant à un appel de la présidente de l’ASP de Cambrai qui était venue frapper à la porte de l’association cultuelle ! Heureux hasard, hasard conduit !

C’est dans ce cadre associatif que j’ai appris à m’approcher des personnes en fin de vie, sans ma « casquette » de pasteure, sans aborder la question de Dieu puisque c’était la règle à suivre dans le cadre de l’ASP. Sans que je le mesure sur le moment, je réalise que cette expérience de visite dans le cadre d’une ASP m’a préparée au ministère d’aumônier hospitalier que je vis aujourd’hui. Être aux côtés de la personne qui me convoque, sans pouvoirs particuliers, sans patois de Canaan théologique, sans réponse toute faite face à la souffrance et à la mort, accepter d’être démunie tout comme cet autre que je rencontre, sans abri, s’ajuster à la situation de ce frère, de cette sœur en humanité, à sa singularité, sans projets préétablis, sans ambition sinon que d’être là, ici et maintenant, avec cette personne qui traverse une vallée obscure. Et puis cheminer ensemble, tout en s’adossant à Jésus Christ qui chemine avec nous et qui est au milieu de nous, partageant notre humanité.

Formation

La suite de l’histoire est riche et belle : la commission des ministères de l’Église réformée de France m’a accompagnée quand je me suis sentie prête à reprendre le ministère pastoral et que j’ai manifesté le désir de le poursuivre dans le cadre de l’aumônerie hospitalière. Elle m’a soutenue spirituellement et financièrement dans mon parcours de formation pastorale à l’écoute et à la communication (600 heures de formation entre 2005 et 2010) pour me permettre d’être aujourd’hui bien « outillée » et heureuse dans le cadre de ce beau ministère spécialisé, présence de l’Église hors les murs.

Quel chemin de formation possible pour devenir aumônier hospitalier ?

Le DU (diplôme universitaire) « Aumôniers » de la Faculté de Strasbourg a été créé à la demande des Églises pour répondre aux besoins de professionnalisation de la fonction et aux exigences de l’État. Il accueille en moyenne une centaine d’inscrits par an.

Cette formation académique, reconnue par l’État, forme des aumôniers protestants et catholiques. Cet aspect est précieux car elle apprend aux aumôniers à dialoguer avec des collègues d’autres cultes et à accompagner des personnes qui ne partagent pas leurs convictions. Cette formation civile et civique, théologique et pratique offre une base solide à l’aumônier pour pouvoir vivre sereinement son ministère, au sein d’une institution particulière, l’hôpital, dans des espaces où il ne sera pas toujours attendu, ni même accueilli.

J’encourage les personnes qui se sentent appelées à ce ministère d’aumônier (et il y en a de plus en plus qui ne sont pas pasteurs) à devenir, dans un premier temps, auxiliaires/ visiteurs bénévoles d’une aumônerie hospitalière ou médico-sociale. Une formation initiale est néanmoins indispensable pour occuper cette place. À Toulouse, le CIPS (Certificat Initial de Pastorale Santé) apporte cet enseignement, en partenariat avec l’IERP (institut d’études religieuses et pastorales) et l’AESMS de la FPF : 80 heures d’enseignement + du travail personnel ; la prochaine session CIPS démarrera en octobre 2022.

Le travail quotidien de l’aumônier, un agent public partenaire du soin

  • Aller au-devant des cadres et des services de soin pour se présenter, rappeler les missions de l’aumônerie au sein de l’hôpital public ;
  • Répondre aux demandes de visites qui nous parviennent soit du patient, soit de son entourage familial ou communautaire, soit de nos pairs, soit des personnels soignants qui ont repéré des besoins spirituels ou religieux d’une personne hospitalisée ;
  • Accompagner les familles et personnes endeuillées (en particulier celles qui sont à la marge de nos Églises) ;
  • Proposer des temps de prière dans les chambres mortuaires et chapelles de l’établissement ;
  • Participer à la réflexion éthique au sein de comités hospitaliers ;
  • Travailler son projet de service au sein de l’établissement avec ses collègues des autres aumôneries et le référent laïcité de l’hôpital ;
  • Assurer de la médiation entre soignants et soignés, entre les patients et les familles (c’est très précieux dans les temps de crise sanitaire quand les familles n’ont plus accès à leurs proches) ;
  • Mettre en place de la formation initiale et continue pour les auxiliaires bénévoles et assurer l’animation spirituelle de l’équipe ;
  • Former les soignants sur les rites, les religions, l’accompagnement spirituel des personnes en fin de vie, la place des aumôneries dans la prise en soin ;
  • Tisser des liens au niveau local, régional et national pour mutualiser réflexions, projets de service et outils au niveau de l’hôpital et de l’AESMS (aumônerie des établissements sanitaires et médico-sociaux) de la Fédération protestante de France.

La richesse de ce ministère d’aumônier

Ce ministère est une passerelle entre deux institutions qui ont toutes deux à voir avec l’humanité de chacun. Il est aussi un espace où peuvent se rencontrer les différents cultes. Il nécessite une ouverture d’esprit, il donne une grande liberté pour accueillir, écouter, inventer.

Ce ministère rejoint les marginaux, les distancés, les déçus de nos Églises, les chercheurs d’Espérance. L’aumônier, envoyé de l’Église, témoigne à travers sa présence de l’amour et de l’attention de Dieu pour tous les humains en souffrance « Tu as du prix à mes yeux, tu comptes beaucoup pour moi et je t’aime » (Esaïe 43,4).

Il est signe de la grâce de Dieu offerte à tous. Il déploie l’Église locale et lui permet d’accompagner, de porter dans la prière les personnes souffrantes et les soignants, de réfléchir aux grandes questions éthiques qui traversent le monde hospitalier (l’euthanasie, la fin de vie, le suicide assisté, le vieillissement…).

Réseaux internationaux :

RESSPIR – Réseau Santé-Soins et Spiritualités
Objectif : promouvoir la compréhension, la reconnaissance et l’intégration de la spiritualité dans les milieux de santé

Le Réseau Santé, Soins et Spiritualités, RESSPIR

ENHHC – European Network Health Care Chaplaincy
Réseau européen d’aumôneries de santé
http://enhcc.eu