La présence initiale de protestants dans la Nouvelle-France peut surprendre pour qui associe spontanément identité canadienne-française et catholicisme et situe les Églises issues de la Réforme dans la majorité anglophone du Canada.
Pourtant, cette présence de protestants est une évidence dans la Nouvelle-France, de Jacques Cartier (arrivé en 1534 sur les bords du Saint-Laurent) à Samuel Champlain, né lui-même protestant à Brouage en 1567 : de nombreux huguenots (Roberval, Chauvin, Dugua de Mons…) encadrent les colons et on ne recense pas moins de six réformés sur les onze premiers gouverneurs de Nouvelle-France.
Une abjuration pour garder la confiance du roi
On reconnaît ici le dynamisme des armateurs, marchands et marins protestants des ports de l’Ouest français, qui ne dédaignaient pas d’associer « Dieu, la Cause (protestante) et les affaires ». Une vision de l’histoire du Québec orientée vers le seul catholicisme a plongé dans l’oubli cette dimension protestante. Les nombreux touristes français qui ne manquent pas d’aller à Tadoussac pour observer les baleines dans le Saint-Laurent ignorent que le village fut un comptoir fondé par un protestant soucieux de faciliter le commerce des fourrures avec les indiens montagnais. Au Canada même, le protestantisme originel de Champlain confine au tabou. Le fondateur de Québec est réputé avoir abjuré pour garder la confiance du roi Louis XIII mais la curieuse ignorance de son lieu de sépulture montrerait que les choses n’étaient pas aussi simples ; de cette question, l’écrivaine canadienne Louise Penny en a tiré le ressort d’un roman policier à succès Enterrez vos morts (Acte Sud 2015). Si on associe d’ailleurs cette entreprise canadienne à d’autres tentatives américaines du XVIe siècle – les éphémères colonies protestantes de Floride […]