Entre Cavaillon et Apt, nous sommes dans l’autre partie du Luberon, au nord du massif, face au Luberon de Lourmarin et au Pays d’Aigues, situés au Sud.
Tout d’abord, un arrêt au temple de Cavaillon s’impose en ce vendredi matin, pour parler de l’entraide, qui assure sa permanence hebdomadaire dans le local voisin. Une partie de l’équipe est là. Sa présidente, Martine Vignalou, explique ce qui se passe au sein de cette modeste structure, créée dans les années 80 et qui, après un essoufflement, a repris de l’activité il y a 20 ans, grâce à Pierre Margueron. « Notre objectif, c’est d’être une cellule d’écoute avant tout. Pendant toute une période, on a voulu former des personnes à l’informatique, mais c’est devenu compliqué. Cette année, France Services a pris la formation informatique en charge et cela nous permet de retrouver notre ambition d’écouter, en prenant le temps. »
Une sensibilité sociale
L’entraide a des réunions avec d’autres structures d’accueil de la ville « … mais elle garde sa spécificité protestante », souligne Martine. Le café est préparé et servi par Françoise Dessailhen, pendant que deux autres bénévoles s’entretiennent avec les personnes qui se présentent, sans rendez-vous. Une dizaine de bénévoles se relaient toute l’année pour cet accueil apprécié.
Cécile Plaâ ajoute : « Il y a une vraie sensibilité sociale dans cette paroisse. Mais l’entraide, ce sont aussi les visiteuses à l’hôpital de Cavaillon, une fois par semaine. Je les accompagne, avec le prêtre, tous les deux mois. » Autre forme de solidarité : des visites à domicile chez des paroissiennes âgées. Un service porté par Jacques, le mari de Martine, qui commente : « Parfois, il emmène l’une chez l’autre, pour qu’elles se rencontrent. Et il a assuré même en temps de covid ! »
Temps forts et nouvelles formules
Le temple a été mis en service en 1976. Placé entre la voie ferrée et une route au trafic soutenu, il est tout de même accueillant et lumineux, avec sa belle table en olivier. C’est le lieu de rassemblement pour cette paroisse disséminée. Pendant l’hiver, le premier culte du mois a lieu à Apt, dans une chapelle catholique ; les autres sont assurés à Cavaillon et réunissent habituellement 10 à 15 personnes. Et puis l’été, tout se passe au temple du village des Gros, près de Gordes. Voici un régime été/hiver bien marqué !
Quelques temps forts dans l’hiver : les quatre soirées de l’avent chez des paroissiens, avec prière, animation, chants, apéritif. Des voisins y sont invités. On commente par exemple des tableaux autour d’une thématique. Cette année, ce sont des versets bibliques qui feront l’objet d’échanges.
Il y a les cultes de maison chez une paroissienne de l’Isle-sur-la-Sorgue. Une fois par trimestre, un culte « autrement » est proposé. Le texte biblique est photocopié avec des questions ; suit un temps d’échange en groupe. Puis on rassemble les interventions et la pasteure apporte un éclairage. Cette formule participative suscite l’intérêt.
Du côté œcuménique, Cécile exprime sa joie de partager des célébrations avec des catholiques ouverts, heureux de la rencontre, pendant la Semaine de l’unité, autour de la Création, ou encore à l’occasion du Vendredi saint, avec le prêtre de Mérindol. De nombreux mariages sont concélébrés. Une nouveauté : cette année, au matin de Pâques, les chrétiens se seront retrouvés sur la colline Saint-Jacques de Cavaillon pour une célébration et un petit déjeuner.
Deux saisons
Cécile évoque aussi les cultes d’été, qui présentent un tout autre aspect de la vie paroissiale : « Aux Gros, on a des vacanciers, le temple est parfois plein ! Le bâtiment est entouré d’un terrain agréable qui appartient à la paroisse. On présente des expos qui attirent un peu de monde. Lors de la fête des voisins, on rencontre les villageois, on a parfois des concerts. L’attrait du Luberon fait que des couples, dont l’un ou l’autre est originaire de la région, protestant, viennent se marier ou faire baptiser leurs enfants, tout en habitant loin d’ici, aux USA ou ailleurs. » Les actes pastoraux sont assurés par la pasteure ou bien par Françoise, la présidente du conseil. En effet, Cécile partage son temps entre la communauté et un ministère d’aumônier à l’hôpital d’Avignon. Le temple de Mérindol est aussi très demandé pour les événements familiaux. Ceux de Puget-sur-Durance ou Lacoste sont plus excentrés. Pourtant, c’est au temple de Puget qu’a lieu chaque année le culte de rentrée « … aussi pour ne pas se faire oublier !, glisse Françoise avec un clin d’œil. En fait, il appartient maintenant à la mairie, qui l’a rénové et l’occupe pour diverses activités. On le réserve une fois par an. On profite de la salle de réception et on est toujours très bien reçus. »
À côté de la plaque informative sur les vaudois et l’histoire du temple s’étalent les affiches électorales. C’est une spécificité ! Dans notre tournée des lieux de culte protestants, on en compte quatre (Les Gros, Puget, Mérindol, Lacoste) dans cette situation : des bâtiments appartenant aux municipalités, qui les ont rénovés, les utilisent et les prêtent lorsque la communauté protestante souhaite y célébrer un culte.
Loin des grandes villes
Devant ces temples « désaffectés », on pourrait s’attrister. Mais ce n’est pas le regard que la pasteure de ce territoire porte sur la situation. Elle en fait un bref bilan : « Des cultes tous les dimanches, des visiteuses d’hôpital, de la solidarité, pas de nouvelles familles et pas d’enfants mais un noyau de témoins convaincus… Des finances sans problèmes. Des relations œcuméniques paisibles. Une qualité de vie communautaire… » Quand je pose la question de l’avenir, Cécile répond : « Ici on peut avoir une vie spirituelle, prendre le temps de cheminer avec les paroissiens. On n’est pas dans l’activisme, on n’a pas les énergies nécessaires ! Mais on fait un travail biblique, par exemple. Après tout, j’ai rejoint le protestantisme pour ça ! Avec une collègue du consistoire, on se disait que, de plus en plus, il y a d’un côté les grandes villes – avec du passage et du renouvellement – et puis les Églises des petites villes et des villages, dont la taille se réduit. Non seulement elles existent, mais elles sont nombreuses et bien des pasteurs y sont nommés. Avec peu de gens, peu de forces, nous vivons au présent. Et cela donne de très belles choses. »
Dans ces lieux de fragilité, les liens entre les communautés, mais également entre communautés et communes se transforment, et c’est parfois porteur. Quant aux murs des temples, ils continuent de vivre et font vivre… autrement.