Par Marie-Claude Frisch
Les 100 ans ont tiré de l’ombre, par presse et vidéo, le pasteur Fernand Frantz, dernier aumônier militaire survivant de la Seconde Guerre mondiale. Aumônier des Chantiers de jeunesse, il préside pour la première fois en juillet 1943 le culte au temple du Salin à Toulouse. Il y rencontre Simone Vernhes, cheftaine des éclaireuses aînées, qui devient son épouse en janvier 1946. Ils auront quatre enfants.
En 1944, il est nommé pasteur vicaire par le président de l’Église luthérienne d’Alsace-Lorraine et affecté comme aumônier de la Brigade Alsace-Lorraine, composée de nombreux réfugiés alsaciens et lorrains et de leurs camarades de maquis du Sud-Ouest puis de Savoie. La « très chrétienne Brigade Alsace-Lorraine du colonel Berger », selon André Malraux, est alors riche de deux aumôniers catholiques et deux protestants (le pasteur Weiss est grièvement blessé lors de leur premier engagement dans les Vosges), quatre officiers prêtres, deux chefs de bataillons protestants (sur trois), ainsi que le commandant André Chamson, mémoire des huguenots, officier de liaison avec le général de Lattre de Tassigny, chef de la Première Armée française.
Après les engagements sur les crêtes des Vosges, la plaine d’Alsace, la ligne Siegfried, puis l’armistice, Fernand Frantz est pasteur en Moselle, dans le Haut-Rhin. Il dirige la reconstruction de deux églises protestantes, notamment celle d’Ostheim, village complètement détruit pendant la bataille de Colmar, à l’exception d’un mur et de son pignon au sommet duquel subsiste un nid de cigognes, nid occupé chaque année depuis la guerre 1939-1945.
Fernand Frantz revient à Toulouse pendant onze ans comme aumônier principal des 4e et 5e régions militaires (Bordeaux et Toulouse). Une période riche en relations œcuméniques. À cette époque, Simone est secrétaire d’un groupe important et le couple se lie d’amitié avec l’archevêque et le cardinal Guyot, qui partagent régulièrement la table des Frantz. Ces liens amicaux sont tellement importants que l’archevêque et le cardinal organisent un dîner pour la nomination du pasteur Frantz à la direction de l’aumônerie de l’Armée de Terre à Paris.
Ensemble, ils établissent la règle, qu’en cas de mariages mixtes, les fiancés sont tenus à une rencontre avec un prêtre puis avec un pasteur, avant de décider où aura lieu la célébration ; ils suppriment l’engagement écrit d’élever les enfants issus de l’union dans la religion catholique. Les états d’esprit ont évolué, et pourtant, il sourit quand on lui raconte la démarche commune d’un évêque et d’un pasteur, qui sont « allés remonter les bretelles » à un couple qui avait organisé deux cérémonies successives pour contenter les deux familles !
Atteint par la limite d ’âge en 1979, Fernand Frantz est encore pendant sept ans aumônier du Centre Hospitalier Universitaire de Strasbourg avant de revenir à Toulouse avec son épouse en 1986 pour une retraite paisible après quarante-cinq ans de ministère. Simone décède en 1995.
Chevalier de la Légion d’Honneur et officier dans l’Ordre National du Mérite parmi d’autres décorations, il s’est vu honoré de la « Fidélité du Souvenir Cordial » du Général de Gaulle, de la « Haute Estime et des sentiments cordiaux » du Général de Lattre de Tassigny et de la « Profonde Amitié » du Général Bigeard. Pour ses 100 ans, l’aumônier protestant en chef des Armées lui a fait envoyer par la Présidence de la République des vœux et une belle grande médaille à l’effigie de la croix huguenote avec au dos l’inscription : « offerte au pasteur Fernand Frantz en signe de reconnaissance. 2021 ». Et le pasteur Frantz ajoute : « N’en déplaise à certains puristes parpaillots, s’ils se demandent si un pasteur peut se compromettre ainsi, il les renvoie au nazisme, à la Shoah, aux camps de concentration et à la liberté de chacun de s’engager selon sa conscience. Pour ce qui est de son action au sein des événements affrontés et vécus, c’est du ressort du ministère pastoral et n’a pas à être étalé en plein jour ».